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L’objectif du lever individualisé est simple : respecter les cycles de sommeil et le rythme de vie des enfants.
On sait, en effet, que le sommeil est très variable d’un individu à l’autre ; tant par sa durée que par la longueur de ces cycles. Il correspond à un réel besoin, autant sur le plan physique que psychique : réveiller un enfant trop tôt ou au mauvais moment peut lui gâcher sa journée (1). Laisser dormir un enfant c’est aussi lui donner la possibilité de changer de rythme, car après tout (ou plutôt avant tout) il est en vacances. Cela ne veut pas dire l’encourager à rester au lit, mais lui permettre de prendre son temps, de choisir.
Nous avons donc décidé de ne pas réveiller les jeunes. Sauf, s’ils en font la demande, pour participer à une activité non renouvelable (départ en randonnée, camping). Ceci demande une réorganisation du matin. La seule limite est le moment des rangements que nous sommes donc obligés de repousser... à midi !
Ce centre de vacances, sous tentes dans les Alpes, comprenait 39 jeunes de 12 à 13 ans, 6 animateurs et un directeur.
A partir de 7h30, un jeune peut se lever. Il a préparé ses affaires la veille au soir ainsi que son sac si une activité spéciale a été prévue (randonnée, piscine...) ; il peut donc s’habiller sans bruit.
En trois années nous avons essayé trois systèmes :
s’habiller à coté de son lit (mais cela incite à discuter, à ouvrir ses tiroirs...)
s’habiller dans un coin spécialement aménagé dans chaque tente (encore du bruit, et la partie chambre s’en trouve diminuée)
s’habiller dans un autre lieu (mais sortir en pyjama et pull n’est pas toujours apprécié).
Les chaussures sont mises de préférence en sortant de la tente, afin d’être plus discret.
On peut ensuite aller prendre tranquillement son petit déjeuner, lui aussi échelonné, sachant qu’après 10 heures il sera plus léger (fruits, jus...).
Seules quelques tables sont nécessaires. On occupe ainsi qu’une seule salle à manger.
Puis c’est la toilette et le début des activités. On consulte les tableaux où sont indiqués pour chaque activité proposée : le lieu, l’heure de début et l’animateur(s) concerné(s).
A la fin des activités, à 12h00, on range les tentes - nous n’avons jamais eu à réveiller un jeune -, et on fait les lits.
Le repas est à 12h30.
2 animateurs (sauf congés), et une douzaine de jeunes environ se réunissent chaque jour. Les jeunes peuvent ainsi proposer des activités, en discuter et évaluer avec les adultes leur faisabilité (temps, compétences des adultes, budget, nombre de participants...).
Le but étant que les jeunes prennent en mains le déroulement de leurs vacances.
Le soir c’est aux animateurs de se réunir pour faire le point sur ces activités, en fonction de toutes les demandes. Certaines sont retenues, d’autres doivent être approfondies, retravaillées ; un adulte pouvant s’en charger le lendemain avec un groupe de jeunes.
Le retour s’effectue par l’intermédiaire du tableau d’activités.
Bien entendu, les activités sont adaptées à ce type de fonctionnement :
les lieux d’activités sont, si possible, loin des tentes,
on repousse l’horaire des activités très bruyantes et trop peu éloignées, comme le coin bois (2) (généralement après 10 heures)
certaines activités sont en « autonomie » (coin lecture, terre, peinture...), et débutent donc dès 8 heures,
la plupart commencent à 9h30,
certaines commencent en fin de matinée (ex : tir à l’arc dans le pré à à côté),
certaines sont à heures fixes et/ou avec un nombre limité d’enfants : ou bien on réveille ceux qui l’ont demandé (randonnée par exemple) ; ou bien l’on part avec les premiers réveillés (heure raisonnable), et l’activité sera reproposée (éventuellement l’après-midi) : piscine, escalade...
Cette organisation de la matinée implique de revoir l’ensemble du « fonctionnement habituel » de la matinée.
D’abord les nettoyages : ceux des sanitaires commencent à 10 heures (1 personne de service) pour permettre à chacun de faire sa toilette. Ceux des chambres sont repoussés à l’heure du repas (12h30) juste après les rangement de midi.
Il y a donc moins de personnes de services disponibles au moment du repas. Nous avons sauté sur l’occasion pour faire participer les jeunes (très enthousiastes). Deux volontaires mangent ainsi chaque jour avec l’autre partie de l’équipe d’adultes (11h30) et participent aux tâches liées au repas : mise de table, service et plonge (pas seulement les plus agréables).
aider à préparer et servir le petit déjeuner (à partir de 7 heures). Il est présent au coin jeux de société et lecture (1 animateur),
rester vers les tentes, surtout avant 9 heures, pour veiller au calme (2 animateurs),
commencer les activités du matin entre 9 heures et 10 heures, un animateur étant disponible pour ceux qui ne veulent rien faire (son rôle est de permettre à chacun de trouver son truc). Il fait le tour des activités en autonomie.
Pour les animateurs, le fait de dormir dans les tentes (séparation entre le coin animateur et la chambre permet de pouvoir plus facilement veiller au calme, sans avoir à se lever de bonne heure.
Toutefois, il convient de prendre en compte l’intimité des enfants, sachant que certains préfèrent la présence d’un adulte, d’autres pas.
Les premiers jours, les animateurs se sont levés à 7 heures, certains sont restés présents vers les tentes jusqu’au réveil de tout le monde. La direction a pris en charge la participation au petit déjeuner pendant ce temps.
Voici certains risques et problèmes (réels ou non) liés à la lise en place du lever individualisé :
que les jeunes traînent au lit,
qu’ils ne fassent rien,
qu’ils ne mangent plus rien à midi,
qu’ils se réveillent les uns, les autres,
ne pas pouvoir commencer une activité (parce que tout le monde n’est pas là),
ne pas pouvoir faire des activités longues, à heures fixes...
quand va-t-on faire les lits, ranger les tentes (ou les chambres), faire sa toilette ?
quand va-t-on ranger la salle à manger ?
L’objectif premier a été atteint et la plupart de nos craintes n’étaient pas fondées ou ont trouvé une solution : permettre au groupe de fonctionner sans pour autant empêcher les individus de vivre à leur rythme.
Aucun jeune n’a passé ses matinées au lit. Nous nous serions questionnés sur les activités du matin (respect des envies des jeunes, en susciter de nouvelles) s’ils y étaient restés.
Le sommeil a été respecté : les réveils se sont échelonnés en général de 7h00 à 10h30 (principalement vers 8h30-9h00).
Au bilan de fin de séjour, un des souvenirs positif des jeunes a été de pouvoir se lever à l’heure qu’on veut.
De manière générale, le fait d’avoir bien dormi, d’avoir plus de temps, et en plus petits groupes, a facilité les relations entre jeunes et adultes (animateurs ou non).
Le temps d’activité est plus long, il y a moins d’arrêts d’activités : cela favorise l’élaboration de projets.
Le petit déjeuner est plus agréable : moins de bruit, chacun déjeune à son rythme (pas de contrainte de rangements) ; la possibilité de relations adultes-enfants.
Les notions de choix, de goûter des choses nouvelles, nous paraissent très intéressantes...
Les jeunes qui ont déjeuné tôt peuvent y retourner pour le petit creux de fin de matinée.
Le petit déjeuner est moins contraignant au niveau du service : seulement 4 tables à installer et à nettoyer, une seule salle à manger.
Le sommeil des animateurs est prolongé, ce qui n’est pas négligeable (surtout en fin de séjour).
Si cette expérience ne peut constituer un modèle à reproduire, c’est en tout cas la preuve que le lever individuel... c’est possible
Henry Reverdi et Bruno Jolys, Un sommeil jusqu’au bout..., Les cahiers de l’animation vacances loisirs n°10, 1995
(1) On peut rappeler ici que la durée d’un cycle peut aller de moins d’une heure à plus de 2h30.
Seule une brève période de sommeil léger conditionne le ré-endormissement plus profond à la fin d’un cycle.
Le réveil spontané intervient alors si le repos est suffisant (de 6 à 8 cycles chez les enfants).
A tout moment, être obligé de se lever est difficile et souvent mal vécu (« au radar », mauvaise humeur, fatigué...).
On ne peut de toute façon pas prévoir quand un cycle se termine
(2) Le coin bois n’étant pas déplaçable, nous avons préféré n’utiliser les outils (scies, scie-sauteuses, perceuses, marteaux...) qu’après 10h. Cela n’empêchait pas de commencer à concevoir et à tracer son jeu de société ou autre construction.