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Chanter ses textes et sa musique, un projet mené avec des enfants de 8 et 9 ans qui les a amené à avoir une écoute et une perception différentes des chansons.
Nous avons commencé notre projet en prenant le temps d’écouter de nombreuses chansons avec des formes textuelles et musicales très variées. Certaines de celles avec lesquelles le groupe accrochait le plus, ont été apprises. La dynamique s’est créée et les enfants se sont mis à apporter de chez eux des enregistrements de chansons qu’ils aimaient bien et qu’ils voulaient faire connaître aux autres. C’est ainsi, que nous avons découvert des chanteurs turcs que leurs « fans » ont eu un plaisir évident à nous présenter.
Prendre le temps de l’écoute a permis de dépasser l’image qu’ils pouvaient avoir de la chanson telle qu’ils l’entendent et la voient quotidiennement sur les médias, sans pour autant faire l’impasse de cette réalité.
Les enfants ont élargi leur répertoire, leur culture musicale. Ils ont appris à découvrir, à percevoir les finesses du lien texte musique et cela a certainement eu des incidences sur les stratégies qu’ils ont mises en place lors de la création de chanson. Mais cette écoute a également amené à la découverte de la langue française sous un nouveau jour. Dans les chansons on trouve du vocabulaire, des structures de phrases, des procédés littéraires qu’il n’est pas toujours facile d’assimiler dans un autre contexte, mais qui là, sont liés à un projet. La forme chantée leur a permis de s’imprégner plus facilement de toutes ces structures de langage et de les mémoriser.
Dans le cadre de cette sensibilisation, nous avons lu des poèmes. Nous avons ensuite écouté ces textes mis en musique par des chanteurs. Des enfants qui avaient souvent du mal à apprendre des poésies ont constaté qu’aidés par le support musical, ils en étaient capables. Les enfants peuvent s’imprégner de cette manière de beaucoup d’éléments syntaxiques et lexicaux.
Écrire les textes / Jouer avec les mots
Le choix du sujet s’est fait par tâtonnement et en fonction de l’avancée de nos essais et expériences. Pour les couplets, nous sommes partis d’un petit jeu que chacun a dû faire un jour : changer les paroles d’une chanson. Nous avons choisi une des chansons que les enfants avaient apprises et ils ont cherché à en modifier le texte.
Dans un premier temps, uniquement la rime et la musique des mots ont été recherchées. Puis, des associations d’idées se sont dégagées. Enfin, un choix a été opéré entre plusieurs thèmes qui apparaissaient et le texte s’est affiné. Tout ce travail s’est d’abord fait à l’oral. Puis, nous avons écrit les propositions qui commençaient à prendre forme et dont nous voulions garder une trace. Cette élaboration a pris plusieurs séances, au cours desquelles les propositions ont été reprises et modifiées en fonction de nos critiques.
Pour le refrain, nous avons eu la démarche inverse. Nous avons créé une musique, puis les enfants ont cherché des mots et des sons en fonction du thème, de la mélodie et du rythme. Chaque phrase du refrain a été modifiée plusieurs fois. Là aussi, l’oral a été premier et des notes ont été prises en fonction du choix et de la nécessité de se souvenir de certaines propositions. Durant l’élaboration des textes, les enfants ont eu à rechercher individuellement, à travailler en petits et en grand groupe. La principale difficulté de ce travail sur les textes aura été de faire en sorte que chacun s’en sente co-auteur, et que les modifications, les adaptations et les choix successifs ne soient pas perçus comme des mises à l’écart, mais comme des étapes du projet.
Créer des chansons, c’est pouvoir jouer avec les sons, les mots, les sous-entendus. Les enfants ont pris un réel plaisir à s’amuser avec le langage. Ils ont pu percevoir de manière plus fine les différents niveaux de lecture d’un texte. Mais cela a également permis une certaine démystification de l’écrit. On peut jouer avec les mots et se faire plaisir en les manipulant. Lire et écrire ne sont pas invariablement liés à la notion de rendement, de réussite et d’échec.
Créer une musique
De nombreux jeux mélodiques et rythmiques, ainsi qu’un travail sur les rimes en poésie ont été vécus avant la phase de composition. Pour les couplets, les enfants ont cherché, puis chanté différentes propositions qui ont été enregistrées.
Ces mélodies ont été réécoutées, puis retravaillées en fonction des remarques et des critiques. Les enfants ont chanté de nouvelles propositions qui ont été elles aussi enregistrées.
À partir de ces enregistrements, des mélanges et des choix ont été faits. La mélodie choisie a été enregistrée, puis apprise et chantée. Des passages se sont modifiés, en fonction du chant en groupe.
Pour les refrains, un accompagnement de base a été joué en boucle. Les enfants l’ont écouté puis ont essayé individuellement de fredonner une mélodie. Ces propositions ont été enregistrées. Cette élaboration a pris plusieurs séances, au cours desquelles les propositions ont été reprises et modifiées en fonction de nos critiques. Les choix se sont faits non par rapport à un produit fini, mais dans le cadre d’une recherche collective et sur des avancées progressives.
Chanson ne rime pas forcément avec paillettes
Lorsque notre chanson a été terminée, un arrangeur professionnel en a réalisé l’orchestration. Les enfants ont été fascinés de voir la traduction de leur travail sous forme de partition et d’entendre leur chanson accompagnée par plusieurs instruments.
C’était exactement leur création, mais elle prenait un autre relief, ils pouvaient la percevoir sous un angle différent, avec du recul par rapport à tout ce qu’ils avaient vécu.
Nous sommes ensuite allés enregistrer notre chanson, qui devait paraître sur un CD collectif.
Les enfants ont chanté, accompagnés par des musiciens. Le choix avait été de privilégier ce lien direct lors de l’enregistrement, par rapport à une bande enregistrée.
Ils ont vu les instruments, côtoyé les musiciens, vécu l’ambiance du studio et ont perçu certaines des difficultés de la prise de son. Ils ont aussi découvert que musique ne rime pas forcément avec paillettes.
Olivier Ivanoff, Les Cahiers de l’Animation
Vacances Loisirs, n° 47