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On évoque souvent le projet pédagogique dans le milieu des CVL. Mais de quoi parle-t-on ? À quoi et à qui sert-t-il ? Qu’apportera-t-il à vos fonctions de jeune animatrice ou animateur ? Nous allons tenter de répondre à ces questions et de clarifier ce concept. Nous verrons en effet en quoi il vous sera utile de mieux le comprendre pour y trouver votre place.
Les objectifs éducatifs de l’organisateur
Vous avez entendu le directeur du séjour le citer et vous demander, éventuellement, de l’appliquer. Le projet pédagogique est un contrat moral entre les différents acteurs des CVL : en premier lieu entre l’organisateur et le directeur. La plupart des CVL sont des organisations temporaires ouvertes pendant les vacances sur des durées plus ou moins longues et sont souvent encadrées par des personnes dont ce n’est pas le métier permanent. Ils sont organisés par des municipalités, des associations, des comités d’entreprise, des structures de quartier qui ont un avis sur l’éducation des enfants et des jeunes. Ils ont aussi des situations à assumer et à gérer : aider les parents qui travaillent en organisant la garde de leurs enfants, le mercredi, pendant les vacances, le matin ou le soir ; proposer des activités de loisirs hors de l’école, dans les cités...
Pour répondre à ces questions, ces organisateurs définissent des objectifs et une politique d’éducation repérables au travers d’un projet éducatif, un projet politique pour l’enfance et la jeunesse. Ils y réaffirment des idées comme le droit pour les enfants aux vacances et aux loisirs, quelles que soient leurs classes sociales, leurs conditions de vie. Le projet éducatif est un texte présentant leurs intentions en matière d’éducation, de citoyenneté, de santé, d’accès aux activités culturelles et sportives, de solidarité entre les personnes de la commune, l’association ou l’organisation. Il aborde les aspects quantitatifs, c’est-à-dire le volume des actions prévues, le nombre de lieux d’accueil dans la ville ou le quartier, les manifestations à caractère social et les moyens financiers, techniques, humains nécessaires à leur réalisation. Il traite aussi des aspects qualitatifs des actions, c’est-à-dire du niveau que les organisateurs veulent atteindre en matière de conditions matérielles d’accueil et de déroulement des activités avec les enfants...
Le centre de vacances ou le centre de loisirs que vous allez encadrer, celui auquel vous avez participé l’été dernier sont un des résultats et des mises en œuvre de ces politiques. Ils s’éloignent de l’image des centres coupés de toute organisation sociale ! En effet, il ne s’agit pas uniquement d’occuper les enfants pendant quelques jours ou quelques semaines. Partie intégrante de la vie sociale et du quotidien des familles, les CVL ont un rôle social et éducatif à jouer et contribuent à l’éducation des enfants et des jeunes.
Du projet éducatif au projet pédagogique
Écrit et publié dans le bulletin d’informations de la municipalité, de l’association ou du CE, le projet éducatif accompagne le catalogue de présentation des séjours et fixe le cadre et les grandes orientations éducatives dans lesquelles devront se dérouler séjours et activités au quotidien.
Pour exister, les CVL doivent être organisés et encadrés. Responsable du séjour, le directeur aura peut-être le choix de diriger un centre de loisirs ou un centre de vacances d’enfants ou d’adolescents. Si ce n’est pas le cas, il devra néanmoins avoir un contact avec l’organisateur pour prendre connaissance de ses conceptions éducatives en lisant le projet éducatif. À défaut, il interrogera l’organisateur quant à ses intentions et les valeurs qu’il défend en matière d’éducation pour les enfants et les jeunes. Le directeur devra lui aussi présenter ses conceptions personnelles. C’est le projet de direction.
De cette rencontre souhaitable (qui n’a malheureusement pas toujours lieu) naîtra un premier accord entre les deux partenaires : le premier aspect du contrat moral. Le directeur devra sans doute y parler de sa volonté de permettre aux enfants d’accéder à l’autonomie, du respect des différences, de la lutte contre les inégalités ou encore du respect du rythme de vie en vacances... Il y traitera de ses choix d’organisation de l’équipe d’animation et des enfants accueillis pendant le séjour.
Ensuite, travaillé au sein de l’équipe de direction, ce projet de direction déterminera les grandes lignes du déroulement du séjour et posera le cadre d’intervention des animateurs : choix de répartition des enfants en grands groupes ou pas, par tranches d’âge ou non. Choix des activités importantes et de leur organisation. Prise de contact avec les prestataires d’activité. Rencontre des différentes personnes de l’équipe d’adultes du centre et répartition des animateurs sur les groupes d’enfants. Réflexion quant aux méthodes pédagogiques...
Le rôle de l’animateur dans le projet pédagogique
Le directeur ne pourra pas mettre seul en œuvre toutes cesbonnes intentions et ces choix et les traduire concrètement pendant le séjour. C’est là qu’interviennent les animateurs fraîchement sortis du stage de formation ou forts d’une première expérience.
Si vous n’êtes pas associé à la préparation du séjour, l’existence d’un projet pédagogique restera pour vous un aspect théorique, éventuellement un contrat obligé mais ni lu, ni compris, ni approprié. Cantonné à un rôle de “ simple exécutant ”, votre aventure éducative risque d’être limitée et pénible. Sans liens ni informations sur ce que font les autres, vous n’aurez pas l’impression d’être dans une équipe d’adultes travaillant sur le même projet et le projet pédagogique aura alors perdu tout son sens.
Dans le cas contraire, vous serez associé d’une façon ou d’une autre à la préparation du séjour. Le directeur, après négociation avec l’organisateur, a composé son équipe de direction (directeur adjoint, assistant sanitaire et économe). C’est avec elle et les animateurs professionnels qui travaillent toute l’année au centre qu’il traduit les intentions éducatives et pédagogiques portées dans son projet de direction : c’est le projet pédagogique.
Tous les aspects du séjour y sont abordés et passés au crible des intentions. Le déroulement des journées sera étudié au travers de chaque moment et des questions devront se poser inévitablement : comment organiser le lever des enfants dans le centre de vacances ? Faudra-t-il, afin de respecter leurs différents rythmes, s’organiser dans l’équipe d’animation pour accompagner ceux qui se réveillent tôt et éviter qu’ils ne réveillent les autres enfants ? Comment organiser les groupes : par tranches d’âge, par grandes “ familles ” ? Ces choix ne sont pas neutres. Certains seront plutôt pratiques et “ simples ” à gérer, mais porteront inconsciemment les adultes à traiter les enfants comme des “ objets ” qu’il faut animer et occuper. D’autres, au contraire, les placent au centre des préoccupations du séjour, considérant qu’en tant que personnes à part entière ils doivent être acteurs de leurs vacances.
Les solutions matérielles choisies devront être confrontées aux intentions pédagogiques de départ. Ainsi, pour faire des repas un moment agréable et éducatif, de petites tables permettront de parler sans crier. Un adulte par table favorisera le bon déroulement du repas et incitera les enfants à goûter à tous les plats... Se donner la peine d’organiser des réunions d’enfants pour la mise en œuvre des activités donnera la satisfaction de les voir s’organiser et de donner leur avis. Il en sera de même pour préparer les temps de la toilette en gérant les contraintes matérielles, ou pour préparer les soirées en fonction de l’âge des enfants et de leurs projets.
Un projet collectif qui fixe les moyens des séjours
De votre place d’animateur, vous serez associé à la mise en place de ce projet pédagogique qui fixera le choix de l’ensemble des moyens de fonctionnement du séjour. Il faudra en prendre connaissance, vous l’approprier et - comme nous le défendons - poser des questions, débattre à son sujet.
Il faudra exprimer vos idées, les envies qui vous ont décidé à suivre une formation pour devenir, un temps, animateur de CVL. Et petit à petit, sans savoir tout ce que représente un CVL dans sa globalité, vous percevrez la place qui sera la vôtre. Vous pourrez faire des propositions sur l’organisation pratique du séjour, sur les activités que vous maîtrisez et que vous aimeriez proposer aux enfants. Garante du cadre de travail et du projet, donc des orientations prises, l’équipe de direction sera là pour vous aider.
“ Mais alors, ce projet, que m’apportera-t-il de plus ? ” vous demandez-vous. Une chose essentielle à notre avis : un cadre clair pour votre action et le changement de statut des animateurs qui abandonnent le rôle d’exécutants pour s’associer à la conduite d’une aventure pédagogique unique. Au lieu de vous inscrire dans un fonctionnement totalement imposé, sans maîtrise des choix pédagogiques, vous serez acteur du projet. Tous les instants sont porteurs de sens et souvent de choix pédagogiques. Votre action, seul ou avec d’autres animateurs, avec votre petit groupe d’enfants, contribuera au projet global. Porté collectivement, le projet pédagogique vous deviendra une aide, un outil de formation, une référence permanente. Cité dans les réunions auxquelles vous participerez, il cadrera vos responsabilités et leurs limites dans le travail quotidien, le dialogue au sein de l’équipe.
Droits et devoirs des animateurs
S’occuper d’enfants est un engagement très important et empreint de responsabilités qui témoigne de la confiance que l’on vous accorde. Il vous donne le droit de donner votre avis sur les choix de l’équipe d’animation, de participer vraiment à la construction du séjour, de prendre des initiatives sur les aspects concrets de la vie du centre (propositions d’activités, de sorties...) et l’évolution de l’organisation des moments de la vie quotidienne (toilette, repas, rangements...).
Cet engagement vous donne aussi le devoir d’argumenter vos choix et vos propositions. Vous devrez établir la cohérence entre le projet pédagogique, vos décisions et les activités que vous mettrez en œuvre. Vous aurez des comptes à rendre au directeur, aux autres animateurs, aux enfants et... à vous-même, face au contrat moral qui sera une aide pour vous durant le séjour.
Ce texte polycopié découvert lors de la préparation, sera la référence permanente qui vous permettra, au quotidien, au sein de l’équipe, de vérifier si ce que vous mettez collectivement en œuvre est bien la traduction des intentions de départ. Pour cela, l’équipe d’animateurs se rencontrera et, avec l’aide de l’équipe de direction, fera régulièrement le point sur le séjour.
Pour s’assurer que le matériel nécessaire aux activités est prévu, discuter d’un enfant posant problème, bien sûr. Mais aussi pour se questionner sur votre façon de mettre en place les activités, sur votre attitude, sur la place laissée aux enfants dans les choix et les décisions les concernant.
Vous aurez compris que le projet pédagogique, dont on dit qu’il ne sert à rien, ne se résume pas à un contrat technique définissant votre travail mais qu’il redonne du sens à votre engagement d’animateur de centre de vacances et de loisirs. Il vous replace au sein d’une équipe éducative, vous reconnaît des droits, des devoirs et vous responsabilise. Il prouve que s’occuper d’enfants et de jeunes en CVL aujourd’hui n’est pas une action technique mais éducative. Le projet pédagogique replace chaque acteur des CVL face à ses responsabilités lorsqu’il s’engage dans ce qui doit rester une aventure pédagogique forte.
Vincent Chavaroche, Les Cahiers de l’animation n°18, Avril 1997