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Si l’animation volontaire n’existait pas, il serait urgent de l’inventer... Pour de multiples raisons...
Parce que l’objectif d’une société qui met l’éducation au centre de ses préoccupations ne peut être que de développer les formes les plus élaborées d’accueils d’enfants et de jeunes dans les structures de loisirs et de vacances, il y a nécessité de prendre en compte à sa juste valeur le besoin temporaire de renforts d’encadrement pendant les périodes de vacances scolaires.
Parce que l’objectif d’une société démocratique est de favoriser l’accès aux vacances et aux loisirs du plus grand nombre, elle doit prendre en compte à sa juste valeur la participation solidaire des animateurs et directeurs volontaires au coût des séjours, quand ils acceptent, voire proposent d’être indemnisés et non salariés.
Parce que l’objectif d’une société solidaire est de favoriser une véritable insertion sociale et culturelle de sa jeunesse, elle doit lui permettre d’exercer une activité responsable, d’expérimenter une activité citoyenne, en consacrant une partie de son temps libre à l’encadrement d’enfants et de jeunes dans leurs temps de vacances et de loisirs.
Parce que l’objectif d’une société novatrice est d’interroger en continu ses pratiques éducatives, elle doit continuer de favoriser cette rencontre de la connaissance et de l’enthousiasme, de l’expérimentation et de l’expérience, de la naïveté et de la sagesse.
Parce qu’une société qui a inventé le concept d’éducation populaire et voté la loi de 1901 sur la liberté d’association doit poursuivre ses avancées considérables, elle doit faire toute la place aux militants associatifs, sans qui le concept même d’éducation ne tiendrait plus qu’à une douteuse agitation productiviste.
Quelle réponse à toutes ces ambitions ?
Le bénévolat ? Donner gratuitement de son temps à l’élaboration et à la réalisation d’une action éducative ? Peut-être, si la sécurité matérielle de la personne qui s’y engage est assurée, mais surtout si l’animateur ou le directeur bénévole est assuré d’une protection sociale, si son activité est couverte par les systèmes d’assurances. En effet, dans une situation d’animateur bénévole, ce fameux animateur à qui on rendrait service en le prenant en plus ( ?), que se passera-t-il en cas d’accident du travail (sic !) ou de préjudice subi par un enfant placé sous sa responsabilité ? Peut-être également, à considérer que cette activité d’encadrement est exempte de tout échange marchand. Le salariat ? Exercer une activité régie par l’organisation et les lois régissant le travail ? Peut-être, si on trouve acceptable la juxtaposition d’une multitude de micro-contrats, ou pour mieux dire, l’institutionnalisation d’une certaine précarité. Peut-être encore, si on considère qu’il est possible de s’occuper d’enfants et de jeunes dans leurs temps de loisirs et de vacances en travaillant trente cinq heures par semaine, sans dépasser dix heures de travail par jour, ni outrepasser ces douze heures d’amplitude du travail (un début de travail à 7 heures du matin impose une fin de cette journée de travail à 19 heures). L’adaptation de cette organisation du travail aux centres de vacances crée des difficultés insurmontables pour assurer la prise en charge globale d’un enfant tout au long de sa journée (et de sa nuit). Peut-être toujours si on milite pour que la relation « professionnelle » dans ses périodes d’encadrement temporaires soit une relation hiérarchisée, la relation de subordination qu’implique le salariat. Peut-être enfin, si on pense que le salariat est la seule forme possible d’institutionnalisation d’une activité sociale. Mais, une société moderne n’a t-elle pas à créer de nouvelles formes d’organisation ? Imaginons par exemple un statut qui permette à un jeune de 17 ans, pour peu qu’il ait suivi une formation, ou une information, une sensibilisation, d’être partie prenante, acteur d’un projet collectif. Partenaire de ce projet sans autres liens de subordination que cet attachement volontaire au projet.
Imaginons
Imaginons que ce projet soit l’organisation d’un centre de vacances ou de loisirs, sur une période de vacances scolaires. Imaginons que cette participation volontaire, définie et cadrée dans le temps, favorise, impulse même une redéfinition de l’idée de vacances et de loisirs. Imaginons que ce jeune bénéficie d’une rémunération, sous forme d’une indemnité, non imposable, dégagée d’une grande partie des charges sociales, pour favoriser le coût minimum des séjours. Une rémunération qui, hors d’un échange purement marchand de sa force de travail reconnaisse et valide un besoin d’autonomie financière, ou soutienne financièrement des projets de jeunes citoyens, ou encore favorise la poursuite d’études. Imaginons que l’État, conscient de la nécessité de favoriser le développement de cette forme d’accueil des vacances collectives assure la protection sociale de ce jeune. Imaginons que ce jeune soit reconnu dans ce qu’il porte paradoxalement d’enthousiasme et de craintes, de conscience de ses responsabilités et de naïveté, de capacités et d’incompétences, et que toute cette fougue puisse être canalisée par des pairs, ou des professionnels compétents. Imaginons un statut qui ne définisse pas l’action de ce jeune par un taux horaire et une masse de tâches à réaliser. Imaginons des lieux où les décisions associent le plus grand nombre, dans un apprentissage concret de la citoyenneté, et où ce jeune se construirait en se confrontant à d’autres, à l’autre, dans une dynamique enthousiaste et concrète d’éducation populaire. Imaginons un lieu, une forme d’action qui oserait inventer du sens en continu, hors des schémas pyramidaux d’un savoir descendant, qui oserait prouver que la pédagogie est une matière vivante qui s’élabore au plus juste dans des partenariats les plus démocratiques possibles. Imaginons une société qui pense qu’elle est en capacité d’inventer de nouveaux statuts. Un statut du volontariat ? Ce serait un bon moyen de prouver qu’on peut encore concrétiser les utopies.
Alain Ghéno, Les Cahiers de l’animation, n° 31, Juillet 2000.