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Les animateurs ont à faire respecter des règles de vie et de sécurité. Mais parfois les enfants les transgressent. Que se passe-t-il alors ?
Dans un centre de vacances, les interdits peuvent être fixés par la loi : « Il est interdit de se baigner sans la présence d’un surveillant de baignade. » Ils peuvent être négociés en concertation avec l’ensemble du groupe : « On a décidé de s’interdire de nager dans un coin du bassin qui sera réservé à ceux qui ont envie de plonger. » Et ils peuvent également être fixés de manière unilatérale par l’animateur : « Tu as peut-être encore envie de te baigner, mais j‘estime que tu commences à avoir froid, tu as les lèvres toutes bleues. Je te demande de ne plus retourner dans l‘eau. »
L’Abus de pouvoir
Mais un interdit peut également être un abus de pouvoir. Il y a abus de pouvoir si j’interdis sans raison ou pour des raisons qui me sont personnelles et qui n’ont rien à voir avec les intérêts du groupe dont j’ai la charge. De retour d’une balade, le groupe d’enfants s‘arrête pour goûter à une centaine de mètres du centre, près d’un petit ruisseau. L’animateur leur précise fermement : « Personne ne va toucher l’eau ! » Max ne résiste pas à l’interdit et se glisse imperceptiblement vers le ruisseau, puis près de l’eau et commence discrètement à jouer. Il se fait reprendre par l’animateur : – Je vous ai dit qu’il était interdit de jouer près du ruisseau ! – Pourquoi ? La question tout d’abord surprend l’animateur. Comme il s’agissait d’une évidence. Mais il a beau réfléchir, il ne trouve aucun argument. Il n’y a aucun danger, il ne fait pas froid, il n’y a pas d’activité organisée que cela pourrait perturber et si les enfants sont mouillés, ils vont se changer dans peu de temps puisque nous rentrons pour la douche. On ne peut pas penser durablement, faire respecter un interdit que l’on n’est pas capable de justifier ou qui varie sans raison : – Ce n’est pas juste, j’ai été puni parce que j’ai jeté des cailloux. – C’est dangereux. – Oui, je sais, mais Paul a fait la même chose tout à l’heure et on ne lui a rien dit.
La sanction-réparation
Si l’on veut amener des enfants à respecter les règles de vie, il importe qu’ils aient leur place dans le groupe, que les règles soient claires, justes et comprises et qu’ils puissent faire confiance à l’animateur lorsque le sens d’une interdiction parfois leur échappe. Cette confiance se bâtira sur sa capacité à définir des règles durables parce qu’explicables, à les faire respecter équitablement et à les respecter lui-même – tout le groupe porte un casque, sauf l‘animateur : cherchez l‘erreur. Lors d’une réunion d’enfants, la discussion s’engage autour du respect. Le groupe d’un commun accord, fixe les interdits et des règles visant à éviter les provocations par des actes ou des comportements : – Et si on n’a rien fait à quelqu’un et qu’il nous insulte ? demande Leslie. – On discute avec celui qui fait ça, proposent quelques enfants. – Mais si après, il continue ? redemande Leslie.
Prévoir le non-respect de la règle est important pour des enfants. L’idée de sanction n’est pas forcément négative chez eux. Parfois même, c’est une demande. Une des sanctions souvent mise en avant est la réparation. « Tu as cassé, sali ou abîmé quelque chose, tu vas le réparer ou le nettoyer. » Intellectuellement, cette conception de la sanction nous paraît assez satisfaisante. Elle permet une prise en compte de l’acte commis, de la victime par rapport à une règle et au respect des autres. Le tout dans une logique éducative.
Mais peut-on tout réparer ?
La systématisation de cette logique de réparation ne risque-t-elle pas d’entraîner un certain nombre d’effets pervers du genre : « J’ai le droit de salir, puisque je vais nettoyer après. Je l’ai bousculé, mais je lui ai demandé pardon, de quoi se plaint-il ? ».
Certaines sanctions s’appuient également sur la confiance et le mérite : « Tu ne pourras plus faire cette activité tant que tu ne m’auras pas montré que je peux te faire confiance et que tu es capable de respecter les règles. »
La sanction paraît légitime et incite l’enfant à prendre en compte les interdits. Mais tout se mérite-t-il toujours ? Et n’est-ce pas une confiance, pas toujours méritée qui à certains moments va faire progresser l’enfant ?
Annick a proposé un jeu, mais deux enfants mettent la pagaille. Elle est seule face au groupe. Les autres enfants s’impatientent. Elle essaye de proposer une médiation aux deux perturbateurs, mais sans succès. Ils n’ont envie ni de changer de rôle dans le jeu ni de faire autre chose. Ils continuent à gêner ceux qui veulent jouer. La tension monte. Finalement Annick va les exclure de la partie. Le travail d’équipe peut éviter certaines situations qui ne trouvent d’issues que dans la sanction. L’approche collective des problèmes, la diversité des individus et de leurs personnalités permettent d’aborder les choses différemment, d’anticiper certaines situations ou de mieux s’y adapter. De plus, les discussions qui ont lieu au sein de l’équipe d’animation amènent à réfléchir de façon plus sereine aux problèmes que peuvent poser certains enfants. Mais cela ne résout pas tout et même une équipe extrêmement soudée et cohérente se trouve parfois confrontée à la transgression de la règle établie.
Rien n’est simple, ni « clé en main » pour répondre à la transgression des règles. Ce qui aura du sens à un moment donné et avec un enfant donné n’en aura pas dans une autre situation. Méfions-nous des solutions toutes faites. « Si tu joues au policier, ils joueront aux bandits. Si tu joues au bon Dieu, ils joueront aux diables. Si tu joues au geôlier, ils joueront aux prisonniers. Si tu es toi-même, ils seront bien embêtés », écrivait Fernand Deligny.
Savoir fixer des règles qui ont du sens et qui sont claires. Savoir respecter, écouter, partager. Savoir être soi-même dans une situation de crise et face à l’échec. Savoir être soi-même quand on n’a pas toujours le beau rôle. Savoir être soi-même face à la détresse de certains enfants.
Olivier Ivanoff, Les cahiers de l’animation Vacances Loisirs n°61 / © ceméa, mars 2008