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I.Pourquoi les espaces non-mixtes ?
Même si beaucoup de chemin a été parcouru jusqu’à aujourd’hui, il n’est pas inutile de souligner à quel point il en reste encore à parcourir. Quel chemin ? Mais celui de l’égalité...
Celui de l’égalité entre les hommes et les femmes par exemple. Certes, les femmes jouissent aujourd’hui d’acquis précieux, tant sur le plan législatif que sur le plan de l’émancipation individuelle. Néanmoins, des inégalités et des discriminations persistent dans divers domaines : au sein de la famille, au travail, à l’école, dans la sphère militante et associative. Inégalités des salaires, violences conjugales, éducation sexiste, sous-représentativité des femmes dans la sphère militante et politique, nombreux sont les processus qui structurent et organisent l’invisibilisation et l’oppression des femmes et des filles.
C’est parce que le projet éducatif des CEMEA se situe dans une perspective de transformation sociale que nous expérimentons et mettons en œuvre de nouveaux outils pédagogiques, et ce, au profit d’une plus grande égalité.
Si depuis l’existence du mouvement, des militantes et des militants des CEMEA se sont battu-e-s pour développer des espaces où les garçons et les filles puissent se croiser, faire ensemble, mieux se connaître, c’est entre autre parce que les espaces mixtes peuvent incarner pour nous un progrès, une possibilité d’affirmation et d’émancipation pour des filles et des femmes évincées des espaces publics. La mixité propose un cadre qui doit permettre d’apprendre à se connaître mutuellement, en se confrontant. Cependant la mixité n’est pas intrinsèquement synonyme d’égalité.
Souvent les attentes des filles ou des femmes n’y sont pas prises en compte. Il ne suffit pas qu’un espace soit composé de 50% de filles pour que son fonctionnement soit mixte. Il s’agit, en tant que militantes et militants, prônant la laïcité de se doter d’outils qui favorisent l’égalité des places entre filles et garçons. De faire en sorte que les fonctionnements que nous proposons aux groupes sur lesquels nous intervenons permettent l’épanouissement de tous et toutes et impulse une transformation sociale. Si nous défendons que « tout être humain, sans distinction de sexe, (...) a le droit à notre respect et à nos égards », il faut que cela s’accompagne de moyens. C’est pourquoi nous défendons que les espaces non-mixtes transitoires peuvent être des outils d’émancipation des individu-e-s.
Il existe deux sortes d’espaces non mixtes. Les espaces non mixtes de fait, imposés et les espaces non mixtes choisis, protégés.
Les espaces publics sont en général des espaces non-mixtes de fait, ils appartiennent majoritairement aux hommes : les espaces politiques et militants, la rue, les cafés, le soir en particulier... Même si ces lieux sont ouverts aux femmes, y aller, c’est s’exposer à la pression masculine collectivement acceptée comme norme de fonctionnement (couper la parole, parler fort, draguer, faire des blagues sexistes, ...).
Les espaces non mixtes imposés par la religion ou par l’Etat ont, tout au long de l’histoire, été des outils coercitifs d’intériorisation des rôles différenciés de genres. Le genre est la réélaboration culturelle du sexe biologique ; un produit des rapports sociaux de sexes qui transforment mâles et femelles en « hommes » et « femmes » et définit une division du sexe socialement imposée.
L’école fut, jusqu’il y a peu de temps, un espace non mixte imposé, d’éducation de genre, un espace de formatage. On y apprenait aux hommes à se rassembler derrière un drapeau, et aux femmes à tenir la maison, à faire des enfants et à soigner leur mari ; imposant l’espace dit public aux hommes et reléguant les femmes à l’espace dit privé.
Les espaces non-mixtes existent parfois de façon spontanée. Ils émanent de la volonté d’un groupe de filles ou de garçons de vivre un moment entre eux. Ils répondent à un besoin et revêtent un intérêt pour ceux et celles qui choisissent de le vivre (discussions, réunions de travail, jeux, fabrications de cabanes, etc). Quand ils existent, il semble important en tant qu’éducateurs et éducatrices de les protéger, de les accompagner.
Les espaces non-mixtes peuvent aussi être proposés par les accompagnant-e-s pour faciliter la prise de parole de chacun et de chacune pour favoriser l’émergence d’envies particulières (conseil d’enfants en non-mixité...). Ils permettent de se situer en dehors de la socialisation de genres, qui rend les individu-e-s dépendant-e-s du regard et du jugement des personnes de l’autre sexe. Les espaces partagés en non-mixité favorisent la construction individuelle, une meilleure connaissance de soi, et amènent à se sentir plus apte à rencontrer l’autre. Ces moments privilégiés deviennent un réel espace de parole quand les espaces mixtes ne le permettent plus du fait des pressions masculines qui nient la place des filles.
L’espace non-mixte est aussi important pour les garçons que pour les filles, c’est un espace qui permet de contrecarrer les modèles persistants sur la place et les fonctions de l’homme et de la femme en rendant possible une liberté de choix de chacun et chacune plus importante. Ces espaces permettent de mieux vivre en mixité, car celle-ci est souvent un espace où vit deux groupes : les garçons et les filles. En effet, l’éducation étant encore différenciés pour les deux sexes, nous assistons donc dans notre travail (instituteur, éducateur, animateur) à deux groupes qui se forment dont les pratiques de jeux sont différentes. Loin de mettre les parents en cause, il s’agit là d’une construction sociale, où la socialisation permanente de l’enfant à travers les différentes sphères qu’il côtoie, aboutissent à un formatage.
Dès le plus jeune âge, les enfants sont conditionnés selon leur sexe à des comportements, envies, attitudes procréées par des modèles dits de « normalité ». Ainsi les livres pour enfants, les rayons de jouets dont la couleur rose indique qu’il s’agit du rayon de fille et le bleu pour les garçons, la dichotomie que l’on suggère dès le plus jeune âge aux enfants en les appelant à des jeux différenciés selon leur sexe... Tout cela prédispose de ce que deviendront les enfants en grandissant, des codes et des normes qui dicteront leur conduite vis à vis des autres et plus encore de l’autre sexe. Les espaces non-mixtes permettent aux groupes ainsi constitués de filles ou de garçons de se rencontrer, échanger et se connaître autrement en minorant la jalousie, la compétition... Plus encore, le fait d’être entre personnes de mêmes sexes rend plus facile les discussions sur la sexualité, les sentiments et comportements souvent dits « féminin » ou « masculin ». Nous pouvons alors réellement entamer un travail autour des visions d’être un homme ou d’être une femme.
Les temps en non-mixité peuvent être à la fois des espaces ponctuels, mis en place à la demande du public concerné et/ou sur propositions des encadrants et encadrantes, et des espaces qui s’inscrivent dans le temps. Ce temps varie selon les besoins, les envies et la durée nécessaire à l’aquisition d’une autonomie personnelle.
II.Mise en place des espaces non-mixtes.
Les espaces non mixtes sont des espaces privilégiés d’échanges, de fait, ils faut faire en sorte d’élaborer, de construire avec les enfants, les jeunes, les adultes un espace sécurisé et sécurisant.
L’espace non mixte puisque temporaire, transitoire et en lien avec le fait de mieux vivre la mixité, doit être demandé par le groupe ou mis en place pour des objectifs d’égalité des possibles d’être et de faire dans l’espace en mixité.
L’espace non mixte dans ce qui se vit en son sein est donc construit par le groupe et tend vers des objectifs clairement définis. Qu’il s’agisse d’espace non mixte qui se vivent en sorties, par le biais de réunion d’enfants, d’activités, de projet collectifs les enfants, adolescents ou adultes sont investit dans l’élaboration, le vécu et l’évaluation.
Il est important que ces espaces soient suivis par une personne référente, qui accompagnera le groupe d’enfant à travers les échanges, les activités, les sorties et les projets. , il ne s’agit ni d’un espace où l’on peut vivre que des activités dite de filles ou de garçons, ni un espace de lutte contre l’autre sexe.
De plus il est évident que seulement une femme peut accompagner un groupe non mixte fille et vis versa pour les garçons.
De plus l’utilisation des lieux doit être réfléchis car un lieu de passage en mixité ne peut pas être réapproprier pour un espace non mixte. Il nous semble important que ces lieux soient clairement identifiables (cabane des fille, cabane des garçon, local spécifique, signalétique...), pour pouvoir être protégés.
Adeline, Aline, Aurélie, Mélodie et Nora, CEMEA Pays De La Loire.