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Activités autonomes et activités animées, proposées par un animateur en CLSH maternel.
Le statut particulier que nous attribuons, peut-être involontairement, à ce type d’activités, et que l’organisation des adultes conduit à interrompre, induit, même si l’on y résiste, à hiérarchiser ces deux familles en accordant la primauté aux activités animées sur les activités autonomes.
Le jeu dans les coins a lieu à l’initiative de l’enfant, essentiellement dans les moments de transition, d’attente entre deux activités collectives, dans une dynamique individuelle.
Pierre a terminé sa collation plus rapidement que les autres enfants de son groupe, les cubes sont à proximité, il commence une construction en attendant que tout le monde ait fini...
Amélie se réveille, d’autres enfants dorment encore, elle va au coin sable qu’elle quittera au lever des derniers enfants de son groupe.
Quelque soit le moment, la volonté de constituer un groupe d’enfants qui va vivre la même activité du début à la fin, conduit obligatoirement l’adulte à rassembler ce groupe, donc à interrompre une ou des activités en cours soit pour présenter les possibilités, soit pour « partir en activité » (la présentation et les choix ayant été faits à un autre moment).
Cette organisation, même si elle prend en compte des observation ou des demandes d’enfants, rend bien difficile, surtout à un animateur peu expérimenté, la possibilité de laisser l’enfant vivre à son rythme l’activité, d’en décider la fin... :
Jean-Yves, stagiaire-animateur, est insatisfait du moment de fabrication des chevaux-chaussettes. Au cours du bilan de journée, l’équipe le questionne et il nous explique que les enfants ont galopé dans tous les sens à cheval sur leur bâton, sans intérêt pour le compléter de la chaussette qui lui aurait permis de ressembler à un cheval. Il croit avoir échoué dans l’animation de ce moment.
Dans l’activité animée, l’animateur se sent plus acteur que dans les coins où il est le plus souvent invité : il a une action directe sur l’enfant. Ce sentiment lui semble plus valorisant, le conduit donc à développer ses prises d’initiatives au détriment, s’il n’y prend garde, de celles des enfants.
Nous venons de poser la question de la part d’initiatives de l’enfant au cours d’une activité, mais avant cette étape, le moment du choix de telle ou telle activité est crucial.
L’adulte peut-il avec des mots, dans une instance collective proche de la réunion, créer une motivation, un intérêt ou même traduire une envie d’enfant ? Comment un jeune enfant peut-il projeter son intérêt sur une proposition abstraite faite par l’adulte ?
Bien-sûr, certains mots employés par l’adulte peuvent faciliter le choix de l’enfant. Il y a une différence entre dire « qui veut faire du bois vert ? » et « qui veut se fabriquer une canne à pêche pour aller pêcher dans le ruisseau ? », même si « en bois vert » c’est une canne à pêche que l’on fabrique.
Bien sûr plus l’adulte s’appuiera sur un vécu commun avec l’enfant plus celui-ci comprendra et pourra choisir : « hier soir, par les fenêtres du car, on a vu des vaches dans un pré, et si on allait les voir de plus près, voir ce qu’elles mangent, où elles dorment...? ».
Mais si l’on se réfère aux motivations qui nous conduisent à aménager des espaces intérieurs et extérieurs, à savoir mettre à disposition des enfants des éléments concrets, manipulables, suscitant l’intérêt, l’action directe sur ceux-ci, pourquoi l’adulte et sa proposition ne seraient-ils pas mis sur la même plan que ces coins ?
Pourquoi ce couple (adulte-proposition) ne s’installerait-il pas dans un espace lui aussi aménagé (outils, matériaux), où l’enfant pourrait le voir agir (il se fabrique une voiture en carton, il scie...) et ensuite avoir envie de faire comme... de jouer avec... puis éventuellement de se fabriquer... pour lui.
Organisées ainsi, avec le même statut que les coins, avec les mêmes règles de circulation possible d’un coin à un autre, de nombre limité d’enfants... les activités animées rejoindraient nos convictions quant à l’intérêt éducatif de la prise d’initiatives par l’enfant ; quant à l’adaptation d’un fonctionnement aux compétences de l’enfant telles que faire un choix en particulier.
Elle éviterait d’entendre dans la bouche des enfants « aujourd’hui on a encore pas pu s’amuser, ILS n’ont pas arrêté de nous faire jouer ! »
Elle permettrait (et exigerait), avec une formation préalable et continue, de développer chez les animateurs des compétences pointues :
Valérie CIBERT, Dossier des Cahiers de l’animation n°1 : Les centres de loisirs.
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