Accueil > Textes > Activités > Activités d’expressions manuelles, techniques et plastiques > Petits mais capables... « le coup du sapin »
Souvent, à Noël, les enfants de maternelle ramènent dans leur famille un objet qu’ils ont fabriqué à l’école. Ne dérogeant pas à cette tradition, ma fille est revenue avec un magnifique « bougeoir-sapin » en bois.
« T’as vu ce que j’ai fait à l’école ?
Dis-donc, c’est drôlement joli. Tu t’es bien débrouillée. Alors, t’as appris à scier ?
(rire devant la stupidité évidente de ma question)
Mais non ! C’est le maître qui l’a coupé !
Alors tu l’as cloué sur la planche ?
(autre rire)
Mais non ! C’est trop dangereux pour nous !
(décidément, ces parents ne comprennent rien à rien)
C’est une bonne idée que tu as eu de placer la bougie avec du lichen autour.
Ah non ! C’est le maître qui l’a fait. C’était trop difficile.
Mais qu’est-ce-que tu as fait toi ?
Ben ! J’ai peint le sapin en vert ! Il est beau, hein, le bougeoir que j’ai fait ?
Oui ma chérie, très beau ! (soupir du père). »
Comment après le démontage en règle auquel je viens de me livrer, peut-elle être encore persuadée qu’elle a fait cet objet ?
Il me vient en mémoire des images d’ateliers menuiserie en centre de vacances maternel, ainsi que des discussions en stage sur le notion de projet. Pourquoi tient-on à ce que la production des enfants entre absolument dans les critères d’esthétisme des adultes ? Il faut que la réalisation soit « belle », quitte à engendrer un mensonge collectif. Les adultes faisant semblant de croire que l’enfant a fait l’objet et l’enfant faisant semblant de croire que c’est sa réalisation. Quels citoyens de demain préparons-nous en les habituant à penser qu’ils sont acteurs et qu’ils ont des responsabilités, alors que ce n’est pas le cas ?
Mais moi-même, est-ce qu’il ne m’arrive jamais dans mon métier d’enseignant ou ma vie familiale de faire aux enfants « le coup du sapin » ? Pas dans le domaines des activités manuelles bien sûr, mais quand ils font des maths, du français, qu’ils gèrent la vie de la classe... Est-ce que je suis sûr, que cela ne se passe jamais ? Qu’ils sont réellement acteurs ? Je repenserai de temps en temps au beau sapin ? Cela m’aidera sûrement.
Olivier Ivanoff, les Cahiers de l’Animation n°29, 1er trimestre 2000
©CEMÉA