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On repère assez vite les dérives et abus qui peuvent arriver au sein d’un groupe par l’utilisation massive du téléphone portable, mais on peut aussi essayer d’y voir les aspects positifs et ce qu’il permet en terme de communication au sein du groupe. Voici l’exemple d’un séjour et de ses SMS.
L’organisateur du séjour que j’ai encadré cet été interdit aux jeunes de venir en colo avec leur téléphone portable. L’équipe d’animation, consciente que cet interdit posé par courrier a peu de chances d’être suivi d’effet, fait le choix d’aborder ce point en réunion de préparation du séjour. On part de ce que l’on craint du téléphone portable pour en baliser son utilisation sur des moments de la journée et une prise en compte de la situation dans laquelle je téléphone. Le but étant que le téléphone ne soit pas trop intrusif dans ce que l’on souhaite vivre ensemble pendant ce séjour.
C’est avec surprise que le téléphone portable va jouer un rôle central dans notre séjour et qu’il va venir soutenir la communication entre les jeunes et les anims pour aller vers plus d’autonomie des jeunes et construire une relation de confiance. Comment ça s’est passé ?
Première sortie dans la grande ville proche de notre village : on se laisse deux heures en petits groupes avec un point de rendez-vous. « Qui veut bien laisser son 06 à l’anim pour prévenir en cas de pépin ou de retard et pour qu’on puisse vous joindre ? » Des volontaires laissent leur numéros et prennent celui de l’anim.
Tout le monde est à l’heure et l’échange de numéros n’a pas été utile pour cette fois-ci.
Le lieu et le projet
Le centre de vacances dans lequel nous sommes est un ancien collège et le lieu balisé dans lequel les enfants et les anims peuvent se déplacer librement est grand. Assez rapidement entre anims on se donne des infos et se rappelle le cadre horaire par téléphone.
Le choix du fonctionnement fait par l’équipe pour les repas est un repas échelonné. Les enfants et les jeunes peuvent venir manger quand ils le souhaitent, entre 12h30 et 14h. Une personne de l’équipe est chargée de vérifier que tous les enfants sont venus manger. Vers 13h30, on envoi un message à celles et ceux qu’on a pas vu, si on a leur numéro.
Ça a certes l’avantage, pratique pour l’anim, de ne pas avoir à se déplacer pour aller chercher celui ou celle qui n’est pas encore venue manger, c’est aussi selon moi une façon de dire, d’une part, tu as le droit d’être seulE à des moments et je ne viens pas vérifier ce que tu es en train de faire, ce qui est une marque de confiance, et d’autre part, « je me soucis de ton bien-être et nous avons remarqué ton absence au repas ».
Réponse de la jeune, ce jour-là : « j’étais partie prendre une douche, j’arrive dans 5 min ». Le téléphone portable nous sert donc à nous tenir informé et à nous rappeler le cadre horaire aussi avec les jeunes ; qui savent aussi dans l’autre sens nous rappeler qu’on est pas à l’heure dite de rendez-vous pour le départ quand ils ont hâte de quitter le centre pour aller à l’endroit voulu.
Une autre façon de dire
A partir de là les jeunes vont utiliser le téléphone portable pour nous demander des choses pas toujours évidentes à dire à l’oral ou devant d’autres. Ainsi un midi je reçoit un texto : « est-ce que t’aurais des serviettes hygiéniques ? ». Réponse : « rejoins-moi à la lingerie dans 5 min ». Discret. Efficace. Petit sourire complice de la jeune qui revient enfin à l’aise et ravie que ça reste entre nous sans même qu’on en ai parlé de vive voix !
Pour une autre jeune, les textos étaient autant de bouteilles à la mer envoyées à l’équipe d’animation. En réunion d’équipe un soir une partie des jeunes est couchée, deux anims reçoivent le même texto : « ça va pas du tout, je me sens pas bien ». Une personne parmi nous va voir ce qui se passe et prend le temps de discuter un peu. Elle n’est ni malade, ni en danger, mais elle besoin d’attention et le téléphone portable sera pour elle un moyen d’être en contact très régulier avec son anim référent même lorsqu’elle est en sortie ou en activité avec unE autre anim, ou le soir au moment du coucher par de nombreux échanges de textos sur son état, ses questions, ses doutes, son mal-être. Elle a trouvé là un moyen de dire, là où la communication orale ne fonctionnait pas.
TouTes les jeunes de ce séjour n’avaient pas de téléphone portable et touTEs n’avaient pas envie ni besoin d’être en contact avec l’équipe par ce biais là, mais le téléphone portable peut être un outil au service du projet et de la communication dans le groupe. A nous équipe d’animation de nous en saisir.
Article paru dans l’Animacteurice n°10 : dossier Éducation aux médias