Accueil > Textes > Publics > Petite enfance > Les jeux collectifs des 3-7 ans
Dans la famille, à l’école maternelle, dans les différents clubs et institutions qui accueillent les enfants les pratiques corporelles et ludiques ont indéniablement fait leur place parmi les facteurs importants de leur développement.
Les idées nouvelles sont marquées par plus de liberté de mouvement accordée aux enfants, d’où l’utilité de parcs de jeux, de “structures” à grimper, s’équilibrer, se suspendre, se cacher, se balancer, glisser, l’offre de jouets invitant à l’action, à l’expérimentation, à l’imitation et la mise à disposition d’espaces et de matériels favorisant la “costumation” et les jeux symboliques. Sont aussi reconnus les bienfaits des contacts sensibles avec différents milieux physiques - eau, soleil, neige, sable, forêt...
Certes, sur le terrain les batailles engagées sont loin d’être gagnées. Les inégalités, l’injustice, la pauvreté ont, dès cet âge, créé des clivages. Tous les enfants n’ont pas le même accès au club des bébés-nageurs, à la patinoire, au jardin des neiges, à la ludothèque, à l’école de danse ou de judo, à un centre de vacances ou une garderie bien équipée. De plus, les idées nouvelles, plus ou moins bien médiatisées ont pu, ici ou là, donner lieu à des dérives : soit un laisser-faire systématique senti par l’enfant comme un manque de repères, un abandon, voire un droit de tout faire ; soit un forcing de sollicitations où la plasticité de l’enfant et son appétit d’activité servent d’alibi à l’impatience de certains adultes d’en faire des champions.
Mais souvent, l’oublié de cette évolution vers plus de motricité, plus d’expérimentation, plus d’activité, le parent pauvre, le laissé pour compte, c’est le jeu collectif. C’est que certaines interprétations d’analyses de psychologues ont été hâtives, menant à des contre-sens. La classification de Piaget, fixant l’apparition des jeux à règles vers 8-9 ans, après celle des jeux symboliques (3 ans) et des jeux d’exercice est souvent comprise comme une succession de tranches étanches, alors que chacun de ces comportements est présent toute la vie. Il évolue avec des périodes plus manifestes que d’autres où il envahit toutes les conduites. Les “relations socio-motrices”, par exemple, sont présentes dès le plus jeune âge. Hubert Montagner a montré, en observant les jeunes enfants dans les crèches, la place importante de ces relations dans leur comportement et la formation de leur personnalité. On coopère, on s’oppose, on s’imite, on s’agresse, on cherche à dominer ou à suivre, dès le plus jeune âge.
À 3 ans, l’enfant est capable de comprendre et d’appliquer une règle concernant le rapport à l’espace (cette ligne au sol dessine ton nid), aux objets (la cible est cette porte), aux autres (on passe sous les bras), de comprendre le but du jeu (ramasser et rapporter les balles rouges), de jouer un rôle (se cacher) ; mais, à l’évidence il ne peut se mettre à la place d’autrui, analyser rapidement une situation où sont imbriqués partenaires et adversaires, se conformer à une tactique collective.
Les éléments de complexité à prendre en compte sont multiples : l’effectif d’enfants, la régulation de l’adulte, la nouveauté du jeu, le nombre de consignes et de règles, la technicité demandée aux gestes... mais le critère choisi comme axe de notre proposition est celui des rôles socio-moteurs, leur nombre et leur stabilité.
Déjà certains fichiers de jeux pour l’école maternelle classent ainsi :
les jeux où les enfants reçoivent tous la même consigne (Cherchons...)
ceux où un enfant reçoit une consigne différente des autres (Loup, y es-tu ?)
ceux où deux groupes reçoivent des consignes différentes (Le filet des pêcheurs)
Notre tableau à double entrée (Les Cahiers de l’Animation Vacances Loisirs, n° 29, p. 30) va plus loin en suivant les travaux de Pierre Parlebas et en distinguant :
les duels d’individus ou de groupes aux rôles symétriques ;
les duels dissymétriques ;
les épreuves opposant trois équipes rivales (ou plus éventuellement), directement ou indirectement (par barème interposé) ;
les oppositions d’un joueur contre tous les autres (situation pouvant évoluer). Au début, l’adulte joue souvent le rôle central.
les jeux d’un groupe où chacun joue pour soi.
Nous pensons que dans un fichier, les jeux doivent être déshabillés de leurs thèmes symboliques (fleurs, papillons, sorciers, animaux, aventures...) car ceux-ci doivent appartenir au groupe de joueurs, en fonction de son milieu et de son histoire propre. Cependant certaines dominantes apparaissent :
le voyage pour les parcours, pistes, relais, rallyes ;
la chasse pour les cachettes-recherches, les poursuites, les esquive-ballons, les investissements de territoires ;
les épreuves initiatiques pour les défis d’adresse et d’agilité comme les billes, sauts à l’élastique...
l’animation qui consiste à faire vivre une balle, un volant... par renvoi contre un mur ou au dessus d’un filet...
la bataille comme dans le corps à corps ou la dispute d’un ballon ;
la comédie comme dans les jeux de taquinerie (Je te tiens par la barbichette) ou dans les petits jeux d’expression (mimes...) ;
Les titres donnés en illustration du tableau peuvent paraître énigmatiques. Les éclaircissements qui suivent les expliquent et les prolongent.
Jean-Claude Marchal, Les Cahiers de l’Animation Vacances Loisirs, n° 29