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De 1963 à 1975
Rappelons l’existence d’une réglementation de 1963 ( article 3 de l’arrêté du 19 Novembre 1963) sur le handicap et les centres de vacances : « Les colonies de vacances sont l’œuvre d’institutions qui, sous la responsabilité d’un personnel qualifié, accueillant des enfants sains... Tout enfant devra être pourvu d’un certificat du médecin scolaire attestant que l’enfant n’est pas incompatible avec un séjour dans la collectivité considérée, soit en raison d’une affection exigeant les soins ou un régime alimentaire spéciaux, soit en raison d’anomalie ou d’infirmité d’ordre ostéo-articulaire, nerveux, psychique ou sensoriel » Arrêté reflétant ici une politique particulièrement ségrégationniste. A l’époque un organisateur militant sur des questions d’intégration pouvait se faire poursuivre en justice. L’intégration était tout simplement interdite : nous pouvons imaginer les conceptions hautement humanistes des personnes ayant écrits, votés et mise en œuvre ce texte...!
1975 l’année de l’intégration ?
Heureusement les données ont quelque peu évoluées en particulier au cours de l’année 1975. 1975 est une année d’autant plus intéressante que c’est l’aboutissement d’une nouvelle loi en France mais aussi en Italie.
La France adoptait une loi permettant une intégration. L’intégration devenait une obligation sans être aucunement une obligation totale ou partielle. L’intégration partielle serait de fixer des quotas comme aujourd’hui par exemple il existe un quota au niveau de l’intégration professionnelle dans les entreprises de plus de 50 personnes.
Le résultat (avec notre regard actuel et plus de trente ans d’analyse) est très limité. Des expériences existent, des organisateurs travaillent sur le sujet.... Mais en terme de chiffre l’intégration sur le territoire français reste un phénomène mineur, difficile à mettre en ouvre.
L’expérience Italienne de 1975
La même année (1975) l’Italie se questionne sur cette problématique et fait un choix très différent de la France. Elle rend l’intégration obligatoire avec une politique de secteur : chaque enfant par exemple était rattaché à une école ou à un centre de loisirs de son quartier ou de son village. Ce fut une expérience extraordinaire parce ce que l’on a ouvert des hôpitaux psychiatriques, des asiles, qu’il s’est vécu des expériences extraordinaires d’intégration, de bonheur pour ses familles qui pouvaient retrouver une place, de plus stresser en terme de lieu d’accueil, de plus envoyer leurs enfants dans des mouroirs. C’est donc pour ses familles, pour ces enfants et adultes porteurs de handicaps une dignité enfin retrouvée. Ces réussites purent avoir lieu dans certains endroits grâce à l’apport des courants anti-psychiatriques et des courants défendant le concept de la psychothérapie institutionnelle.
Mais si cette expérience fut une expérience riche, enthousiasmante et intéressante ; elle fut aussi un échec dans cette région. Après la décision d’appliquer la politique de secteur , d’ouvrir l’ensemble des asiles, des hôpitaux (décision prise par l’assemblée des députés italiens) les asiles furent ouverts. Les « malades », les « handicapés » étaient dehors, parfois laissés à eux-mêmes, devenant des SDF, ne sachant pas où aller car la société n’était pas prête à accueillir. Le bilan pour ces personnes, dans ces régions est assez catastrophiques avec une seule idée en tête : de revenir dans les asiles...
La psychothérapie institutionnelle en quelques mots...
Décrire de manière précise ces courants n’est pas le choix de cet article. Ce sont des courants qui existent au sein des Cemea (le groupe Santé Mentale) et qui s’appuie sur quelques principes :
On ne peut guérir (maladie mentale), développer des autonomies (handicap) si on ne vit pas sa dignité humaine : participer à la construction, à la gestion de sa vie tant dans le vie quotidienne que dans les choix qui incombent sa propre vie. Bien évidemment cette gestion se fait en fonction de ses moyens. Mais ce n’est pas parce que je n’ai pas beaucoup de moyens, que je dois être réduit au stade végétatif.
C’est permettre aux individus d’exister en tant que citoyen et donc de permettre, de favoriser la participations à des structures associatives : les clubs thérapeutiques, les associations de jeunes...
Les médicaments sont réduits au maximum, mais forcément niés en terme de besoin
Il existe une réflexion sur l’institution (la structure d’accueil). Si l’institution est malade (conflits entre les personnels, rapport hiérarchique au-delà des compétences...) celle-ci ne peut que difficilement provoquer du soin. Il faut donc guérir l’institution pour qu’elle puisse devenir soignante.
Quelles leçons tirées de ces deux expériences ?
Les politiques d’intégration sont possibles : les deux expériences le démontrent.
Sans volonté politique forte nous sommes dans une forme de gestion de la misère et dans la mise en œuvre d’une politique majoritairement séparatiste.
Les deux expériences sont globalement des relatifs échecs car elles montrent que pour une mise en œuvre d’une politique d’intégration , il faut non seulement une volonté politique mais aussi une volonté collective. L’intégration est une question de société, posée à tous les individus : comment je vois l’autre, quel regard je porte... La question de sensibilisation, d’éducation à la différence, à l’accepter et à la vivre semble donc fondamental.
Pour nous au niveau des centres de loisirs et de vacances, ces deux expériences nous prouvent que :
L’intégration sera favorisée si les animateurs, animatrices, directeurs, directrices défendent l’idée d’intégration, souhaitent la mise en œuvre d’intégration de publics différents
Il faut prendre conscience des conditions nécessaires à la mise en œuvre de politique d’intégration au sein du CVL. Pour le dire autrement, il vaut mieux parfois ne pas faire d’intégration que de la louper. Car échouer dans telle expérience est toujours difficile pour la personne. Il ne faudrait pas se cacher derrière cette réalité pour ne jamais rien faire ; mais il faut malgré tout le prendre en compte.
Les conditions favorisant l’intégration
1) La première des conditions est la connaissance du public. Nous traitons dans cet article du public porteur de handicap et non du public différent. Même s’il existe des outils transversaux, il y a des spécificités au niveau des publics (accueillir des enfants porteurs de handicap et des enfants ayant des troubles du comportement sont des types d’accueil très différents)
Bien connaître son public, c’est connaître le type de handicap de la personne accueillie, de connaître ses besoins spécifiques, d’anticiper les quelques réflexes d’accompagnement favorisant un accueil de qualité. On ne peut ici développer tous les éléments de connaissance sur les différents types de handicap (cf § sur les réflexes d’accompagnement)...
Il convient donc d’être en capacité de rechercher et de trouver des éléments d’informations. Les quelques lieux de ressources au niveau de l’information :
La famille. Souvent pour les parents trouver un lieu d’accueil est une source d’angoisse, de stress... Mais si vous avez donné votre accord, n’hésitez pas à questionner la famille, à vous rendre éventuellement au domicile pour mieux connaître, mieux comprendre. Quel est son rythme ? Quelles sont ses sources d’angoisse ? Comment calmer ses angoisses ? Quels sont ses rituels ?...
Les associations de familles, de parents : ces associations sont des lieux de diffusion de réflexions.
Les associations d’éducation populaire. Les Cemea entre autres proposent d’accompagner les équipes sur ces questions au cours du mois de mai ou de juin. Alors n’hésitez pas à nous contacter...
2) La deuxième des conditions est la structuration du centre. Comme nous le rappelle de manière forte la psychothérapie institutionnelle, une institution malade ne peut être soignante. De même un centre de loisirs ou de vacances ne fonctionnant pas correctement ne peut permettre une bonne intégration. Qu’entend on par un bon fonctionnement ?
Un centre où l’on travaille autour des besoins affectifs et des repères. Les enfants ont tous besoins de références : au niveau des personnes (l’animateur référent), au niveau de l’espace (appartenir à un groupe qui a son espace spécifique, qui peut du coup se l’approprier), au niveau des rituels... L’enfant porteur de handicap, qui va devoir vivre ce moment d’intégration, a un besoin encore plus fort en terme de référence. La référence va aussi se construire dans le lien avec la famille, dans tous les contacts que l’on va mettre en œuvre.
Un centre où l’enfant construit son projet, son activité en fonction de ses choix, de son rythme. Bien évidemment il existe une tension entre le choix individuel de l’enfant, le collectif qui vit dans un même lieu et les contraintes de l’équipes (financières, nombre d’animateurs, locaux...) Mais de cette tension nécessaire et éducative pour l’enfant, il ne peut y avoir comme réponse une proposition unique où tous les enfants doivent se conformer au même programme, à la même activité. Un tel fonctionnement sous-entend deux erreurs pédagogiques. La première erreur consiste à considérer que les enfants auraient les mêmes désirs, les mêmes envies. Or la différence entre l’activité du temps éducatif scolaire (temps sociologiquement étant considéré comme un temps contraint) et le temps éducatif de loisirs (sociologiquement considéré comme un temps libre) ne se fait elle pas sur le choix et la liberté exercé sur ce temps ! Mais la deuxième erreur, qui pourrait être fatale au niveau de l’intégration, serait de considérer que tous les enfants d’un même centre auraient les mêmes capacités. Or soit je mets les enfants ayant le moins de capacité en difficulté soit je mets les enfants ayant le plus de capacités dans l’ennui. Il faut donc considérer que vivre ensemble, c’est créer des espaces de rencontres progressifs mais ce n’est pas forcément tout vivre, tous ensemble. Le mythe du Grand Groupe Unifié est à combattre car il n’est que source de désagrément. Les grands s’ennuient car ils doivent s’adapter aux petits et à 10-11 ans ils quittent nos centres... Pour la personne porteuse de handicap, c’est la même chose. Dû à son handicap, sur certaines activités l’enfant porteur de handicap aura moins de capacité. Ce ne serait pourtant un facteur d’intégration (mais plus de stigmatisation) de ne pas faire l’activité sous prétexte d’intégration ou de faire que l’enfant fasse semblant de faire, suive le groupe sans réellement comprendre... L’intégration sera d’autant plus fonctionnelle que l’on tient compte de tous les particularismes, de tous les désirs et capacités des enfants sur le centre.
Pour pouvoir s’épanouir, profiter de son temps de loisirs il faut au maximum anticiper la vie quotidienne de l’enfant, organisé autour de l’animateur référent avec l’aide de l’ensemble de l’équipe. Organiser la vie quotidienne nécessite de connaître au préalable les capacités, les autonomies de l’enfant, et du coup de connaître la nature de l’aide à apporter. Ce travail doit se construire en lien avec les familles et les institutions d’accueil à l’année. Est ce que l’enfant est autonome dans la gestion de ses vêtements (dans le choix), dans son habillement, au niveau de sa toilette (doit on l’inciter, est-il autonome), au niveau des repas, de la prise de médicament, s’il fume est il autonome dans la gestion de ses cigarettes...? La réponse à toutes ces questions va permettre d’anticiper l’organisation de l’équipe adulte, et de se rassurer (individuellement et collectivement) sur nos capacités d’accueil.
Le public, de l’organisateur, aux parents, aux enfants, aux animateurs... sont ils en capacité intellectuelles d’accepter l’autre, d’accepter de vivre la différence ? C’est une question fondamentale au risque de reproduire le piège de la question italienne ? C’est pour cela qu’aujourd’hui les personnes porteuses de handicap lourd (poly-handicaps...) ne sont pas intégrés dans des structures classiques. Le faire serait certainement une erreur stratégique, à moins d’une prise de conscience collective spécifique à votre structure, à votre territoire. Néanmoins cela pose la question de notre rôle d’éducateur, d’éducatrice sur cette question. Est-ce que j’attends d’être confronté à cette question pour parler du sujet ?
Est-ce que je ne peux pas en parler avant d’une manière générale, comme on peut parler des questions de racisme... Comment en parler ?
- En provoquant des rencontres sur des temps courts ? Une pratique d’activités avec des enfants d’un IME...
- En mettant des livres à disposition comme « Max est handicapé », « Alice sourit »...
- En traitant de la question de la différence dans sa globalité à chaque moment que la vie au centre peut amener le sujet
Une fois que l’enfant porteur de handicap arrive sur le centre, faut il en parler aux autres enfants, aux familles et comment ? Ne pas en parler serait une erreur ? Car la différence peut faire peur, inquiéter et ne pas en parler c’est ne pas s’autoriser à tenter de faire tomber ces barrières de l’inconnu. Il faut rassurer les personnes sur la faisabilité du projet, sur le fait que l’intégration de cet enfant ne change en rien la vie du centre (sinon ce ne serait pas une intégration) Il faut trouver un juste milieu, en parler pour prévenir et rassurer si besoin ; mais ne pas trop en parler pour ne pas stigmatiser.