Accueil > Textes > Vie quotidienne > Sommeil, repos > Le moment étrange
Le lever peut être individualisé en centre de vacances. De même, la préparation au coucher, transition nécessaire entre les intérêts de la journée et le coucher, appartient à l’intimité de chacun.
Dans la salle d’activité des grands, trois enfants et un animateur jouent à la bataille, deux autres un peu plus loin disputent une partie de Monopoly, bref, les jeux de société font le bonheur de quelques enfants.
Des douches, juste à côté, on entend des garçons qui font un concours de bonhomme de mousse. Un peu plus haut à l’étage, dans une chambre, des enfants sont assis autour d’une animatrice. Ils écoutent attentivement une histoire de petite fille enlevée par une sorcière avide de beauté et de jeunesse.
Des chuchotements s’échappent d’une autre chambre : deux filles se racontent leurs petites histoires de garçons tout en écrivant une lettre à leurs parents.
D’une chambre au fond du couloir, s’échappe un léger filet de lumière. En entrouvrant un peu plus la porte, on peut apercevoir un garçon tenant maladroitement un livre dans une main et sa lampe de poche dans l’autre. Il tente tant bien que mal de lire son histoire, soucieux de ne pas réveiller le copain, qui, enfoui sous la couette, dort.
Les garçons, propres comme des sous neufs, remontent de la douche, et étendent calmement leurs serviettes de bain tandis que l’animateur ramasse la corbeille de linge sale qu’il descendra plus tard. Par la fenêtre, on peut distinguer des lumières qui dansent, c’est un petit groupe d’enfants et deux animateurs qui reviennent doucement d’une promenade dans le bois.
Il est environ 21h30. Dans une petite demi-heure, tous les enfants seront couchés et la lumière éteinte. La fin de la journée se déroule ainsi depuis une semaine, dans le chalet, des quelques trente enfants de 10 à 12 ans, à l’écart des autres groupes.
Pour nous, elle n’est pas synonyme de grand groupe et de jeux bruyants ou de chasse au dahu, mais plutôt un passage en douceur au coucher, avec le souci d’un retour au calme. C’est sur ces bases-là que nous avons mis en place ce type de veillée qui facilite l’installation d’un coucher individualisé.
Même si le groupe était assez important, nous avons eu le souci de vivre un vrai coucher individualisé. Avec une réelle organisation humaine et matérielle de l’équipe d’animation, une explication claire dès le départ aux enfants, il s’est mis en place petit à petit, permettant à chaque enfant de vivre ce moment comme il le désirait tout en étant toujours respectueux des autres.
Bien sûr, ils ont eu envie de faire des jeux collectifs pendant le séjour. Mais nous avons organisé des jeux qui permettaient à chacun de s’en détacher facilement et d’aller se coucher seul lorsqu’il le désirait. L’un d’entre nous, qui ne participait pas au jeu, se trouvait dans le couloir. Il pouvait aider un enfant à préparer ses affaires pour le lendemain, raconter une histoire, ou faire un câlin juste avant de s’endormir.
La vie de groupe est certes très importante en centre de vacances, mais nous semblons oublier que l’enfant est avant tout une personne à part entière, et que parfois pour mieux vivre le groupe, il a besoin de se retrouver seul. En plus, lorsque le coucher se fait de façon plus individuelle, l’animateur est plus disponible pour répondre aux petites angoisses du soir, aux petits bobos.
Souvent les animateurs ressentent les couchers comme des moments de stress car il faut se bagarrer pour que les enfants parviennent à s’endormir rapidement. Là, après une petite semaine d’adaptation à ce fonctionnement, le coucher était vécu tranquillement par nous tous. Et lorsque l’on a entendu un enfant dire : « C’est bien ici, je peux me coucher quand j’ai sommeil », nous avons été ravis, car ce type de coucher n’avait pas été prioritairement mis en place pour le confort de l’équipe mais bien celui des enfants.
Je n’a pas eu l’occasion de renouveler ce genre d’expérience mais je reste persuadée qu’une veillée de ce type, en petits groupes, autonomes ou pas, est une manière de répondre à nos objectifs de qualité de la vie collective et de respect du rythme de chacun.
Juliette RICHETIN, les cahiers de l’animation vacances loisirs 22