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Bientôt les vacances ! Avec l’arrivée des vacances (et plus particulièrement l’été) quoi de plus normal d’aspirer à changer de rythme, prendre le temps de se dépayser, de découvrir... Ce besoin de vacances est essentiel autant pour l’adulte que l’enfant.
Le temps de vacances est d’autant plus important qu’il existe une forme d’acculturation aux vacances y compris pour ceux et celles qui n’y ont pas accès, ce qui renforce leur exclusion des normes sociales.
Les taux de départs en vacances
En 2005, 65% de la population est partie en vacances. On parle de départ (au niveau du ministère du Tourisme) quand les personnes partent au moins trois jours. Le taux de départ n’est pas uniforme puisque l’on peut repérer qu’il est de 90% pour les cadres, 45% chez les ouvriers et 38% chez agriculteurs.
Les raisons qui expliquent l’absence de départ sont variées : 19% par choix, 18% pour des raisons familiales mais pour au moins 40 % des personnes la raison est financière. Bien évidemment le dernier chiffre est plus important au niveau des classes poplaires.
Fréquentation des centres de vacances
Malgré une idée reçue l’apogée de la fréquentation des centres de vacances ne se situe pas dans les années 60 mais en 1983 avec 1 675 000 mineurs sur l’été ; soit une hausse de 85% par rapport à 1954, année depuis laquelle le ministère tient des statistiques assez fiables. En 1985 on baisse à 1 500 000 mineurs pour remonter en 1994 à 1 600 000 mineurs.
En 1994 14 % des 5-19 ans sont partis en CV. Aujourd’hui le chiffre s’est stabilisé à 10% (depuis 3 ans) avec une fréquentation de près de 1 200 000 mineurs. La baisse brutale de 1994 s’expliquer que partiellement par la baisse de la démographie (qui n’est pas aussi brutale et qui expliquerait une baisse en chiffre brut mais pas en pourcentage) Il faut aussi y voire des éléments politiques.
Il y a aussi le chiffre des structures, des centres : un réel patrimoine en danger. En 1994 on en comptait encore 10 000 ; aujourd’hui 7000.
« Pourquoi les centres de vacances ne se développent pas quantitativement ?
Oublions tout de suite l’idée d’un manque de potentiel d’enfants quand on sait que plus d’un enfant sur trois ne part pas en vacances. A noter qu’avec l’augmentation des coûts de séjours (charges salariales, demandes éducatives...) avec comme exclusion des classes moyennes qui ne peuvent bénéficier d’aides...
Oublions tout de suite l’idée d’une faible qualité des centres puisque toutes les enquêtes de satisfactions prouvent le contraire.
Alors regardons de plus près la politique des états ou d’organismes sociaux de service public (la CAF en particulier...)
La première politique de l’Etat est de mettre en œuvre une réglementation de plus en plus stricte. Réglementation souvent logique et légitime mais très rarement accompagné des mesures, d’aides financières permettant de mettre en œuvre ces mesures.
En parallèle les aides de l’Etat sont de moins en moins importantes. »
Cette citation de qui est-elle et de quand date t-elle ?
Elle pourrait sembler très actuelle mais elle date de 1977 et est tirée de l’introduction d’un livre de Jean Houssaye « Un avenir pour les colonies de vacances » A cette époque, on commence à sentir les prémices de ce qu’il va se passer en 1983 ; même si l’on va connaître quelques années de résistance.
Politique de désengagement de l’Etat ou Politiques de désengagement de la CAF
L’aide au vacances dans les années 50 représentaient près d’un tiers des dépenses de la CAF (les bons de vacances) Les 2/3 des ces bons sont destinés à l’usage des centres de vacances des familles modestes. Progressivement dans les années 60 les aides vont baisser et être ré-infectées sur les questions de logement et dans une moindre mesure sur le tourisme familial. En 65 l’aide aux vacances ne représentent plus que 21%.
Les années 80 vont connaître une certaine stabilisation alors que années 90 vont connaître une nette évolution : une prise en compte du temps libre tout au long de l’année. Cette politique est symbolisée par la création du CTL en 1998. Alors que le budget enfance/jeunesse progresse de près de 40%, le budget alloué au centre de vacances connaît une baisse de -34%. Certaines CAF suppriment même les bons vacances sous prétexte qu’ils ne sont pas ou peu utilisés. Ce qui pose tout de même la question de la diffusion de l’information autour de ce dispositif.
Cette politique des différentes CAF s’illustrent très bien par une circulaire en 1992 : « d’instituer une politique d’aide aux temps libres des familles, des enfants et des jeunes, mieux intégrée à l’action sociale de l’organisme et valorisant davantage le loisir de proximité tout au long de l’année » Plus loin dans la circulaire on peut lire « les caisses ne peuvent prétendre à assurer le droit aux vacances pour tous »
En 2004 l’aide aux vacances ne représentent plus que 3%.
Il ne s’agit pas d’opposer les centres de vacances et les loisirs de proximité.
Mais il convient de mesurer que si le centre de loisirs (et d’une manière globale le loisir de proximité) est moins onéreux que le centre de vacances, ce dernier a néanmoins des intérêts spécifiques et complémentaires.
Autres aspects
Pour expliquer cette évolution des fréquentation depuis 1983, il existe de multiples raisons. On peut en citer quelques-unes :
les désinvestissement des mairies, des collectivités locales avec - les ventes de centres
une exigence réglementaire accrue avec des coûts financiers : nombre de centres de vacances arrêtent leur activité au passage d’une commission de sécurité...
une dérive (qui correspond à une dérive sociétale) qui tend vers un accroissement des loisirs de consommation plus coûteux
médiatisation de quelques accidents (l’histoire de Jonathan en 2004) alors les vacances et loisirs collectifs sont plus sûrs que le milieu familial.
A leur création, les centres de vacances ont avant tout un objectif sanitaire et social. Les instituteurs y rajouteront une fonction d’instruction (apprentissage de la nature) Les hommes de l’église y rajouteront une fonction idéologique comme certains aussi dans le champ socialiste.
Il faudra attendre le lendemain de la deuxième guerre mondiale pour le centre de vacance ait une fonction éducative pédagogique.
Le centres de vacances est un espace éducatif complémentaire et spécifique aux autres espaces éducatifs que sont l’école, la famille, les autres espaces de loisirs...
Le mot complémentaire est erroné car il ne compense pas de manque. Ce qui pourrait sous entendre que s’il n’y avait plus de manque que la structure pourrait disparaître. Au lieu de complément, il convient peut être d’utiliser le mot spécifique. Mérieu explique cette spécificité : « un enfant peut grandir que s’il est entouré de trois types de présence éducative : celui de la famille qui assume la fonction de filiation, celui de l’école qui est dans le registre de l’instruction et celui du groupe de pars... Il est nécessaire qu’il existe un lieu où l’enfant puisse rencontrer des adultes qui n’ont pas de pouvoir d’autorité familial ou institutionnel. Un lieu où il puisse faire des choix en fonction de ses goûts personnels, sans craindre de peiner ses parents et de s’écarter du programme, un lieu où il puisse parler plus librement avec des adultes qui ne renient pas leur état d’adultes... »
Le départ, un besoin
Le départ, les vacances sont des moments de rupture. Au-delà du sentiment d’injustice si je ne pars pas, le départ répond à des besoins réels (même si ce départ chez certaines familles peuvent aussi représenter une réelle source d’angoisse car ça les confronte au projet) :
rester tout l’été sur le quartier, fréquenter le CLSH tout l’été : on constate une fatigue, un énervement : il manque une phase d’évasion, une phase d’oubli de la réalité quotidienne. Ce sont des moments de fuite qui permettent de se reconstruire mentalement.
vivre une rupture avec la routine.
La socialisation
Intérêt des compétences sociales
L’éducation ne concerne pas uniquement le savoir, se résumant ainsi à l’acquisition de compétences académiques et intellectuelles. On sait que ce savoir est au centre d’enjeux terribles. Même à l’école maternelle, les parents disent de plus en plus souvent attendre qu’elle développe des compétences de cet ordre (la grande section prépare au CP...) et moins en moins qu’elle stimule le plaisir de vivre ensemble.
Or il existe aussi du « savoir être » qui relève de compétences sociales : par exemple se faire accepter dans un groupe, y faire entendre son point de vue, prendre des responsabilités collectives, capables de négocier des conflits, d’avoir une lecture du fonctionnement d’un groupe...
Disposer de telles compétences sont assez fondamentales même si elles sont peu valorisés, en particulier au niveau de l’école.
Définition de la socialisation
La socialisation peut se définir comme un processus dynamique par lequel l’enfant, l’individu acquiert des habitudes, des valeurs, des objectifs, des attitudes, des compétences qui lui permettront d’avoir un fonctionnement dans un groupe et en société.
Quand on parle de socialisation, ce n’est pas de l’acculturation (adoption des valeurs dominantes) dont on parle mais d’un processus différent : en dehors de lois fondamentales, se construire, se forger ses propres conceptions par l’expérimentation collective. Ce processus passe par des phases d’acculturation, mais aussi par des phases d’indivuduaisation..
Processus de socialisation
L’une des idées que l’éducation nouvelle (assez largement accepté), que l’on peut retrouver chez de nombreux chercheurs comme Piaget, est que l’enfant va développer et acquérir des connaissances par l’action sur son environnement physique et humain. Cela signifie que la socialisation, ainsi que l’ensemble des savoirs être, ne peut en aucun cas s’acquérir d’une manière classique par « transvasement ». Autant il nous paraît pas très efficient sur les autres type de savoirs, autant sur le savoir être cela paraîtrait encore plus absurde.
Je construis ma relation au groupe, ma relation aux autres, mon vivre ensemble par les relations collectives que je suis en train de vivre. Si ce phénomène existe dans l’ensemble des relation avec l’entourage (entre autres avec les adultes, parents, enseignants, animateurs...), la relation entre pairs (autres enfants) est encore plus importante.
On en perçoit les enjeux quand on regarde les différentes pratiques pédagogiques dans les classes d’écoles. Effectivement si on observe quelques pratiques d’éducation nouvelle, une pratique innovante incitant les enfants à travailler en groupe, exploitant les possibilités d’entraide, de tutorat, le résultat est net : les relations sociales entre les enfants sont plus riches et permet de construire des relations d’entraide, de solidarité, de travail collectif...
Spécificités des centres de vacances
Le centre de vacances, au côté de l’école, des centres de loisirs a des avantages spécifiques :
Le groupe peut être constitué (ce que ne permet pas forcément l’école avec la carte scolaire actuelle et les politiques d’urbanisme-gethos depuis quelques décennies) d’enfants d’origines sociales diverses.
Le groupe est constitué d’enfants qui ne se connaissent pas (dans 93% des cas, pour les camps c’est moins vrai car certains camps partent du CLSH d’une commune ou d’un quartier où les enfants se connaissent plus souvent)
Les relations sur les centres de vacances sont momentanées (durée courte)
Les enfants passent presque 24 heures sur 24
Il n’y a pas de programme du ministère de tutelle contrairement à l’école, ce qui donne un autonomie encore plus grande dans la construction du séjour
Ces caractéristiques particulières du centre de vacances apportent un éclairage particulier sur les possibles dans la relation enfants-enfants et enfants-adultes.
Quels centres de vacances ?
Le centre de vacances doivent se situer en rupture, affirmer leurs différences. C’est un lieu spécifique où des enfants, des jeunes, apprennent à vivre ensemble, à s’organiser, à pratiquer des jeux, des activités de loisirs. Le « plus » du centre de vacances, c’est l’expérience forte pour les enfants et les adultes, de l’intensité de la vie commune. L’organisation pédagogique est essentielle. L’intérêt éducatif du centre dépend aussi si l’on s’engage dans un travail autour du projet et de la gestion démocratique du groupe. L’objet n’est pas de créer l’illusion d’une pseudo égalité enfants-adultes, mais de construire des processus dynamiques où l’enfant peut être acteur, et revendiquer, prendre une place qui va tendre vers cette égalité. « La mise en œuvre de dispositifs pédagogiques fondés sur la pratique du pouvoir de décision par les enfants montrent un accroissement des relations entre les personnes » (Houssaye) L’organisation pédagogique de nos centres doit s’appuyer sur une pédagogie centrée sur le pouvoir de décision (qui se différencie avec le pouvoir du choix) une pédagogie centrée sur le projet et moins sur les activités. Le rôle des animateurs étant de favoriser l’éventail des possibles. Ces pédagogies permettent aux enfants de « faire l’expérience de la construction commune de la loi » Différentes instances de méditation sont mises en place, parmi lesquelles : la réunion d’enfants qui est un lieu de décision et de régulation. Mais il peut y avoir d’autres outils comme le « cahier de râlage », le panneau d’expression libre.... De même le projet (projet d’activité, projet de vie) est essentiel dans cette construction de ma relation aux autres. : bâtir des projets ensemble, négocier, trouver des compromis, des synthèses, permettre des scissions...
Ne pas utiliser tous ces possibles, mettre en oeuvre un centre où tout est programmé, où l’enfant est passif face aux décisions, c’est une méprise humaniste, une vision figée et réductrice de l’enfant, mais c’est aussi réduire l’intérêt éducatif de ces centres.
Régis Balry (intervention JPA 72, 14/10/06)