Accueil > Textes > Mixité / Genre > Brian, elles sont comment les filles ?

Brian, elles sont comment les filles ?

Enregistrer au format PDF Cliquer sur l'icone pour télécharger l'article au format PDF

Un centre de vacances de jeunes enfants à Thierceville dans l’Eure. Organisateur : association laïque des centres de loisirs et de vacances de Bobigny (Seine-St-Denis). Trente deux enfants de 4 ans à 5 ans et demi, un directeur, deux adjoints de direction, sept animateurs, cinq personnes de service et un gardien. En juillet 2005, une équipe de Bourguignons s’inscrit dans le projet « A quoi joues-tu ? » avec curiosité puis avec enthousiasme !

Les filles ?... Elles sont belles ! Pendant la préparation de notre centre de vacances (deux jours en mai et deux jours avant le début du séjour) nous consacrons un temps de travail spécifique sur ce sujet.

  • Qu’est-ce qu’un stéréotype sexué ?
  • Quelle est l’influence de ces stéréotypes sur nos pratiques éducatives ?
  • Quelles hypothèses ?
  • Que mettons-nous en place à Thierceville ?

Qu’est-ce qu’un stereotype sexué ? Ce sont des propos, des expressions toutes faites, que nous entendons, que nous répétons et dont nous nous accommodons ! Les stéréotypes se faufilent dans nos pensées et dans nos pratiques... sans qu’on y prenne garde ! Sans cette prise de conscience, nous voilà dans le superficiel, l’archaïque, l’étriqué. Les préjugés ne sont pas loin. Nous sommes alors tout prêts à enfermer l’autre dans des catégories de sexes, de cultures, de croyances, d’origines, de milieux sociaux.

Ensemble nous cherchons (avec jubilation) des stéréotypes.

Par exemple...

- Les hommes ne pleurent jamais !
- Les femmes conduisent très mal.
- Les garçons, ne jouent pas à la poupée !
- La couleur rose c’est pour les filles et la couleur bleu, c’est pour les garçons...

Nous prenons conscience de l’influence insidieuse des stéréotypes... Etonnement, perplexité... Silence... Les stéréotypes nous paraissent omniprésents... à la maison, à l’école, au centre de loisirs, au centre de vacances... partout où nous croisons les autres. Quelle est la part d’influence de chacun dans le quotidien, et en l’occurrence auprès des enfants dont nous aurons la charge cet été ? La pensée est en marche. L’inquiétude aussi. Nous sommes rattrapés par les habitudes, les préjugés, les stéréotypes sans le savoir.
Nous avons envie d’en savoir plus... Des documents nous ont aidés à réfléchir.

- L’étude de Leïla Acherar sur l’attitude des enseignants à l’école maternelle - différente en fonction des filles et des garçons.
- « Jeux et jouets pour grandir » de Raymonde Caffari, Petite Enfance, mars 1997.
- Une étude Fischer-Price « Les jouets ont-ils un sexe ? »
- Des revues de presse enfantine destinée soit aux filles, soit aux garçons.
- Une vidéo Des hommes et des femmes avec le philosophe Pierre-Philippe Druet (écoute et accueil de la différence et de la communication - www.canal-u.education.fr les Amphis de France 5).

Nos réflexions fusent... questions, hypothèses... Quand on parle de sexualité, de quoi parle-t-on ? de sexe, de féminin et de masculin, de genre, de mixité, de culture ? La part du féminin et du masculin en chacun de nous. On parle souvent de féminin quand on veut parler de tendresse ! Les mères prennent beaucoup en charge les activités ludiques de leurs enfants alors que les pères restent en retrait ! Un enfant peut-il grandir hors du désir de ses parents ? Les adultes subissent une pression sociale très importante quant au choix des jouets et des activités de leurs enfants. Nous sommes souvent enfermés dans des rôles qui laissent peu de place à notre personnalité. Souvent l’adulte choisit à la place de l’enfant, prenant en compte son propre désir et non celui de l’enfant.

A propos du rôle de l’animateur
La manière dont on s’adresse aux filles et aux garçons est différente selon qu’on soit un homme ou une femme. Dans le processus de l’identité sexuée, est-ce que les filles imitent les femmes et les garçons les hommes ? Comment évaluer l’influence du rôle de l’animateur ? La mixité n’engendre pas forcément l’égalité.

Pourquoi vouloir faire jouer garçons et filles aux mêmes jeux ? Des jouets pour les filles, des jouets pour les garçons... Faut-il laisser jouer les enfants avec des jouets de l’autre sexe ? Une évidence ( ?) : ce n’est pas parce qu’un garçon joue à la poupée qu’il sera homosexuel ! Une autre évidence ( ?) : ce n’est pas parce qu’une fille joue avec des petites voitures qu’elle sera une mauvaise mère !

De quelles façons installer :

- Des espaces de jeux favorisant l’activité spontanée ;
- Des coins de jeux aménagés pour jouer librement ;
- La possibilité pour les enfants d’installer des territoires en fonction de leurs besoins. Le rôle de l’éducateur dans la construction de la sexualité de l’enfant. Les phénomènes de groupe entre les enfants : que se passe-t-il lorsque, dans un groupe, les filles (ou les garçons) sont très minoritaires ? Les préjugés des enfants... On naît fille, on naît garçon, mais comment se fait le chemin pour en arriver à être homme ou à être femme ? Quelle est alors la part d’influence de l’animateur ? Différence entre les sexes-mixité : quels comportements spécifiques peut-on repérer chez les jeunes enfants ?

Comment faire à Thierceville ? Nous observons, mais que peut-on observer ?

- Les enfants ?
- Les adultes et les enfants ?
- Les jeux des enfants ?
- Les coins de jeux ? Evidemment, il ne peut être question d’une observation scientifique : les enfants sont en vacances... et nous sommes là pour ça !

Retenons quelques hypothèses Il existe des comportements spécifiques de la part des animateurs et des animatrices dans leurs attitudes et dans leurs interventions en direction d’une part des filles et d’autre part des garçons - comportements sexués ?

Dans le processus de l’identité sexuée, les garçons imitent les hommes et les filles imitent les femmes. Aurait-on besoin d’un référent du même sexe ?

En centre de vacances, par notre volonté d’éducateur à promouvoir l’égalité, on peut avoir tendance à traiter les filles comme les garçons... (pédagogie asexuée ?)... même si notre conception de l’éducation nous demande de permettre à chaque individu de réaliser sa propre sexualité.

A Thierceville, comme les année précédentes, nous allons filmer... mais avec en plus ces nouvelles questions dans la tête... en particulier dans deux situations :

1 - Des enfants (groupe mixte) et leur animatrice(teur) construisent une cabane :

- Comment s’y prennent-ils ?
- Qui fait quoi ?
- Qui décide ?
- Comment vit-on dans la cabane ?

2 - Le lever et le temps de jeux informels avant ou après le petit déjeuner... Mettre en place des espaces différenciés pour observer les comportements des filles et les comportements des garçons :

- Un espace a priori « jeux de filles » ;
- Un espace a priori « jeux de garçons » ;
- Un espace a priori « jeux neutres » ;
- Un espace avec les trois...

L’association laïque des centres de loisirs et de vacances et de Bobigny (ALCVLB) met à la disposition du séjour un livreur d’histoires et une illustratrice de livres pour enfants.

Cette année, nous créerons une histoire qui racontera quelle est la place des garçons et des filles dans la vie familiale, à l’école, dans la rue, à la colo...

En plus et régulièrement...

- Observations personnelles
- Ressentis personnels
- Photos numériques...
- Images vidéos

Rester simple, mais rigoureux Attention aux interprétations hâtives...

Parler, écrire, réajuster... relancer ! ... des paroles d’animateurs ... des paroles d’enfants

Parler d’égalité et de différences, c’est reconnaître l’autre dans son altérité, dans ce qui est différent de nous. C’est faire un bout de chemin dans l’ailleurs. C’est mettre entre parenthèses nos certitudes, ce qui nous est familier pour tenter d’aller voir dans l’étrange, dans l’inconnu.

C’est sans doute ainsi quand on parle de différences de culture, d’origine, de milieux sociaux. Quand on parle du féminin et du masculin, de questions de genre, c’est sans doute aussi accepter qu’on ne sera jamais comme cet autre qui nous séduit, qu’on envie peut-être. C’est sûrement accepter d’être qui on est. Alors peut-être pourrons-nous mieux le ou la regarder, le ou la considérer et aller vers une réelle égalité.

Après le séjour, le bilan avec des images vidéos, des observations, des souvenirs, du recul... ce qui est le plus frappant, c’est la manière dont nous considérons et traitons à égalité filles et garçons, l’importance de notre rôle, et le peu de différence dans le comportement entre filles et garçons.

L’organisation même du centre de vacances implique un certain type de relations entre les enfants.

A Thierceville, tous les espaces sont mixtes. Les enfants ont tous moins de 6 ans et la législation n’impose pas de règles quant à la mixité.

Garçons et filles se douchent ensemble, dorment dans la même chambre, se voient nus et découvrent les différences dues à leur sexe... On ne se pose pas la question de savoir s’ils ressentent une gêne, s’ils souhaitent plus d’intimité. Les verrait-on tous « pareils ? », comme asexués ? Dans notre pratique tout est fait pour éviter de faire des « différences »...« Je suis content quand une fille joue au foot et un garçon à la corde à sauter »...Dans le quotidien, les différences entre les deux sexes se traduisent surtout par les vêtements, les cheveux et le prénom et encore pas toujours !

Ken et Ilana sont de force égale à la lutte et Ilana serait même un peu plus forte. Garçons et filles s’investissent et coopèrent de la même façon dans les jeux. Dans le coin cuisine, les garçons font le ménage, cuisinent et couchent les bébés comme les filles. Devant l’établi, les filles manient aussi bien le marteau que les garçons. Ils prennent plaisir de la même façon aux jeux chantés, à faire du vélo, à préparer des gâteaux pour le goûter. Pourtant des comportements particuliers apparaissent à certains moments. Dans le coin maquillage, les garçons ne se maquillent pas comme les filles avec du rouge à lèvres et du rimmel... bien que... Djibril prend un tube de rouge à lèvres. Il croise le regard d’un adulte et repose vite le tube... Ne serait-il plus un garçon s’il avait du rouge à lèvres ? Autour de la malle de déguisements, il y a ceux qui ne veulent pas se déguiser, ceux qui sont ouverts à tout, ceux qui ne veulent imiter que les hommes ou les femmes qui les entourent ; les garçons seront pompiers, cow-boys, policiers, joueurs de foot... et les filles, princesses !

Lorsqu’on demande à Sana avec qui elle veut apprendre à sauter à la corde, elle répond « avec une animatrice » et au foot « avec un garçon, il sait en faire depuis plus longtemps... »

On ne peut pas dire, au point ou nous en sommes qu’il y ait de différences majeures dans le comportement des garçons et des filles de 4 à 5 ans ni qu’il reproduisent des stéréotypes, tout au plus, parfois, des a priori vite démentis comme dans le récit de Lucie ou la remarque de Marius. En revanche, la manière dont nous considérons et traitons à égalité les filles et les garçons, et l’importance de notre rôle auprès d’eux nous apparaissent comme une question essentielle lorsque l’on parle de mixité et d’égalité.

Après ce séjour, et la réflexion que nous avons commencée, on peut dire que « ça clignote » quand on repère des stéréotypes sexués dans les discours, les journaux, la télé. Et puis nous commençons à nous entendre parler. C’est sans doute un petit début de prise de conscience.

Jacqueline Bacherot, Les cahiers de l’animation n° 52, Octobre 2005

CEMEA Pays de la Loire - 15 bis allée du comandant Charcot - 44000 Nantes - 02 51 86 02 60 SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0