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Mercredi, on va grimper !

Une journée escalade en centre de loisirs

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Les centres de loisirs de la région parisienne utilisent beaucoup les espaces forestiers périphériques : lieux de jeux, de découvertes, d’aventures, de liberté, ils sont très appréciés des enfants et des animateurs. Parmi eux, la forêt de Fontainebleau propose en plus ses chaos rocheux et ses plaines de blocs de grès où sont tracés des circuits d’escalade.

Alliant les besoins des collectivités enfantines scolaires ou de loisirs à la richesse du milieu naturel, la FSGT (Fédération sportive et Gymnique du Travail) y a entrepris avec ténacité et efficacité le balisage de circuits adaptés à l’escalade d’enfants en groupes ; les « circuits blancs-enfants » garantissent la proposition de passages réalisables, la pratique sans risques de chutes sur les sols peu réceptifs, l’adaptation des cheminements pour une pratique possible pour tous. Les mercredis ensoleillés, de nombreux centres de loisirs utilisent ces circuits et en prouvent l’intérêt et le besoin.
Comment une sortie à Fontainebleau se passe-t-elle pour un centre de loisirs, quels choix d’organisation semblent les mieux adaptés à une volonté d’autonomie des enfants et au besoin de sécurité dans la pratique de l’activité ?

Des observations et des réflexions sur l’escalade enfantine et son encadrement, puis la présentation de l’organisation d’une journée, pourront permettre de réfléchir aux conditions de réalisation et de réussite de ce qui est malheureusement aujourd’hui encore une « aventure » trop exceptionnelle.

L’escalade des enfants : des constats

La plupart des enfants veulent grimper en arrivant dans un site d’escalade. Presque tous les enfants ont une représentation de l’escalade, même s’ils ne l’ont jamais pratiquée.

Ces représentations sont construites parfois sur les craintes parentales, parfois à partir d’images vues à la télévision. Dans tous les cas, ces représentations vont influencer leurs façons de vivre l’activité dans la prise de risque et le plaisir.

Les enfants savent grimper
Il n’est pas besoin de formaliser pour eux des apprentissages ou des conseils moteurs hormis ceux qui sont liés à leur sécurité, du moins au stade de la pratique occasionnelle qui est abordée ici.

Chaque enfant a sa façon de grimper
Il est surprenant de voir les différentes techniques de grimpe que plusieurs enfants mettent en œuvre pour franchir le même passage.

Et pourtant il est fréquent que des encadrants, par soucis de bien faire ou par crainte de l’accident, proposent des modèles de grimpe uniques (et souvent décalqués des modèles adultes) qui s’avèrent être largement inadaptés et donc inefficaces.

Le plus important pour eux est souvent d’aller en haut du rocher
Dans cette logique du sommet, peu importe la manière ni le chemin emprunté contrairement à l’éthique actuellement en vigueur chez les adultes.

Les enfants sont prudents, ils ont peu envie de se faire mal
Une des caractéristiques de leur organisation dans l’escalade est la prudence. Il est important que les encadrants prennent conscience de cela afin d’adopter des paroles, des regards et des gestes de confiance plutôt que des attitudes chargées d’appréhension.

Le risque est souhaité et mesuré individuellement
Bien sûr le risque est présent, il est une composante inhérente de l’escalade. Mais chaque enfant arrive à élaborer ses limites.

Le danger vient souvent du groupe d’enfants, par exemple quand trop d’entre eux sont en même temps en haut du bloc.

La gestion de la sécurité est beaucoup plus liée à la gestion de ce collectif qu’à des surprotections individuelles.

Sans cesse les enfants disent : « Regarde-moi ! »
En s’adressant ainsi à l’adulte, sans doute se construisent-ils un cadre affectif suffisamment sécurisant pour pouvoir continuer à agir.

Et les animateurs ?

Ces constat amènent à réfléchir leur rôle et leurs compétences de façon inhabituelle. Doivent-ils être des grimpeurs ?

Non, si l’on suit les constats précédents : pas besoin d’apprentissages préalables, donc pas besoin de compétences techniques particulières de la part des adultes. De plus comme les enfants sont prudents on peut se faire moins de soucis... Oui, car c’est très souvent un animateur initié à la pratique de l’escalade qui peut être conscient de ces constats, et par là même échapper aux présupposés que se font les adultes néophytes en matière de sécurité et de compétences nécessaires. Sa connaissance de l’activité peut alors lui permettre, pour autant qu’il prenne du recul sur sa pratique et sur sa représentation de l’escalade, de réfléchir et de mettre en place une organisation adaptée au groupe d’enfants.

Une journée à Fontainebleau

Le centre de loisirs est situé en banlieue sud-est de Paris, à une cinquantaine de kilomètres de la forêt. Ce jour-là le déplacement s’est effectué en autocar et a concerné 50 enfants accompagnés de 6 adultes : un groupe de 25 âgés de 10-12 ans, et de 25 de 9-10 ans.

Du centre... aux rochers
Les enfants savent que la sortie à Fontainebleau va avoir lieu et ils se sont équipés en conséquence : baskets, vêtements pratiques...
Ceux qui veulent commencer par grimper dès l’arrivée se mettent par petits groupes de trois copains, les groupes d’escalade.

Le voyage a lieu : aux responsables de la sortie de remettre au chauffeur une carte précise, et de s’être assurés de l’existence d’un parking proche du site et accessible au car.
À l’arrivée, chaque groupe de 25 choisit un lieu d’implantation des affaires personnelles qui devient un point de repère pour les enfants. On peut aussi choisir que chaque groupe soit dans un site différent pour proposer des circuits plus adaptés aux âges et aux tailles, pour limiter le nombre d’enfants sur chaque lieu ; le car dépose alors le premier groupe, puis emmène le second. C’est possible à condition que les deux sites ne soient pas trop éloignés.

L’organisation de l’escalade
Ce matin là, sur 25 enfants d’un groupe, 21 voulaient grimper et 4 voulaient se promener et chercher une grotte. Un des adultes est parti avec ces quatre, les deux autres ont pris en charge l’escalade.

Les enfants étaient en sept groupes de 3 ; un des animateurs a été chargé de suivre trois groupes, l’autre quatre.

Neuf enfants et un adulte se retrouvent devant le premier rocher du circuit. L’animateur rappelle le besoin d’être et de rester par trois pour s’entraider et pour la sécurité. Il montre à chacun comment parer un copain qui grimpe, puis il explique comment « fonctionne » un circuit d’escalade : les numéros, les flèches, les variantes, les jonctions.

Chaque groupe de trois peut commencer à grimper : un groupe sur le rocher n°1, un sur le n°3, un sur le n°5. L’adulte reste à proximité pour rassurer, encourager, et veiller à ce que les consignes de sécurité soient respectées.
Pendant ce temps l’autre groupe de douze enfants a vécu la même démarche à partir du milieu du circuit.

L’organisation de l’après-midi diffère un peu de celle du matin. Certains enfants veulent finir le circuit qu’ils ont commencé, d’autres souhaitent retourner sur les passages qu’ils n’ont pas pu franchir, d’autres encore préfèrent ne pas grimper ; tout cela est possible. Le pique-nique du midi et le goûter se vivent aussi en escalade, les enfants aimant beaucoup à ce moment-là être perchés en haut des rochers. Pourquoi pas s’ils y sont calmes, et si les sommets en sont accessibles ?

Intérêts et contraintes de cette organisation

Une rapide mise en activité
Les enfants sont souvent excités de se retrouver dans un nouveau milieu, ils supportent mal l’attente et l’inactivité. Ici, en un maximum de 10 minutes, tous sont en activité.

La sécurité est réelle
Avec les petits groupes il y a peu ou pas d’attente aux pieds des rochers, donc pas de bousculades ni d’énervement. Les enfants sont calmement concentrés sur leur activité, ce qui limite le risque de chutes par précipitation. Cela suppose au préalable une bonne connaissance du milieu et une maîtrise de cette organisation de la part des adultes de façon à être vite répartis sur le terrain.

L’autonomie est favorisée
Chaque groupe de trois se déplace selon son rythme et son désir. C’est là qu’intervient le choix pertinent du site : des lieux peu ou pas tourmentés, des repérages spatiaux faciles, des blocs d’escalade proches les unes des autres... Autant de qualités réunies dans les choix d’implantation et de traçage des circuits.

Les enfants gèrent leur pratique de l’activité
Certains groupes font le choix de passer un rocher qui leur paraît trop difficile, d’autres au contraire persistent et se donnent des règles : « pour aller au suivant il faut d’abord faire celui-là » ou encore « l’important c’est d’aller en haut, on suit la flèche seulement si on veut »... Peu à peu ces règles s’instaurent dans chaque groupe, selon chaque groupe.

Les contraintes sont réduites
Il n’y en a que deux : rester par groupe de trois, et veiller à la sécurité de celui qui grimpe. Le champ de la liberté d’action est étendu, ce qui permet une appropriation de l’activité réelle et durable.

La réussite est possible et favorisée
Réussir est une notion ambiguë car propre aux compétences individuelles et aux défis que chacun se donne. L’intérêt des circuits est qu’ils permettent de réussir, peut-être pas à tous sur tous les rochers, mais à tous durant la sortie. Les enfants sont friands de comparaisons entre aux, et ici il n’y a pas de « perdants qui ne réussissent jamais ».

Un esprit de solidarité se développe
Dans cette activité qui pourrait être très individuelle, des relations d’entraide sont très vite repérables. Le fait que les groupes de trois soient composés au gré des enfants y contribue évidemment.

L’animateur doit s’adapter aux différents besoins
L’accompagnement de l’adulte varie selon les groupes. Certains groupes d’enfants manifestent leur volonté d’être seuls en rassurant l’animateur : « t’inquiète pas, tout va bien ». D’autres sont très demandeurs d’une présence adulte. À l’animateur de savoir repérer ces différents besoins.
Ces choix d’organisation et ces choix pédagogiques ne sont probablement pas développables exclusivement sur les circuits enfants de la forêt de Fontainebleau. Ces aménagements sont cependant un modèle de solutions adaptées à des conceptions éducatives, et ils gagneraient à faire tâche d’huile... à Fontainebleau et ailleurs. Alors... tracez des circuits enfants, et allez sur les circuits enfants !

Catherine Kervegant, Dossier des Cahiers de l’animation n°1 : Les centres de loisirs.
©CEMEA

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