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La vie quotidienne en CVL est régie par un ensemble de règles explicites et implicites portées par les objectifs de l’équipe de direction du séjour. L’équipe d’encadrement doit vérifier la pertinence du cadre, des règles en place qui déterminent l’organisation et le déroulement de la vie quotidienne et des relations entre les personnes. Soucieuse de la qualité de déroulement du séjour et de la place de chacun dans la collectivité, elle réfléchit en quoi la recherche de qualité de la vie quotidienne en CVL (mais c’est aussi vrai dans n’importe quelle situation éducative) peut faire évoluer les pratiques éducatives. Autrement dit, elle tente de lire et d’analyser des situations et des comportements de la vie quotidienne, pour mesurer s’ils sont en harmonie de vie, et en cohérence avec les attendus du projet éducatif et pédagogique. Au besoin elle va intervenir soit pour aller dans le sens de ses objectifs, soit pour réajuster ceux-ci, s’ils s’avèrent trop en décalage.
Ainsi certains moments-charnière de la journée vont retenir sont attention et voir leur orgnisation sans cesse disséquée en vue d’être améliorée : le réveil individualisé, le petit déjeuner échelonné, l’entrée dans la salle à manger pour les repas, la prise du goûter, la toilette, la douche, l’échange de linge, la réception du courrier... À chaque fois, c’est le sens de ce moment qui est questionné à travers son déroulement, la place des enfants, la présence de l’animateur et la nature de son intervention. Elle peut également mesurer la place, le poids symbolique et pratique pris par/donné aux règles de vies, au règlement, aux consignes et mesurer quel rapport à la loi existe au sein de la collectivité, en fonction des différents statuts, de la part des enfants et des adultes. Ces observations renseignent aussi sur les types de rapport au pouvoir et à l’autorité que manifestent les membres du groupe enfants et adultes, et ce quelles que soient les formes prises par l’exercice de celui-ci. L’équipe d’encadrement peut aussi tenter de résoudre des difficultés rencontrées par les animateurs dans leurs relations interpersonnelles avec un enfant ou un groupe d’enfants sur des questions de discipline, d’apprentissage de la vie en groupe, de prise en charge de la vie quotidienne. L’équipe peut être attentive à la place occupée ou prise par des habitudes, à la place des modes d’être (des habitus socio-culturels) et vérifier s’il s’agit de coutumes, de codes sociaux, culturels ou religieus ou de règles à prendre en compte dans la vie collective qu’elle souhaite faire vivre aux enfants. Toutes ces observations posent la question du respect de la laïcité et du respect d’autrui qu’il faut nuancer à chaque fois selon les situations, nous savons depuis l’affaire du foulard que le degré zéro de tout signe extérieur ostentatoire n’est pas le même pour chacun. Le droit à la différence a des limites qui renvoient à l’éducation et au conditionnement de chacun, au bon sens commun.
Ces questions sont importantes et délicates à traiter, tant le regard porté sur ces situations et la manière des les nommer peuvent recourir à l’emploi de termes (polysémiques) auxquels très souvent chacun donne des significations très différentes - liberté, tolérance, individualité. Interroger la vie quotidienne, tenter de disséquer les différents moments d’une journée aide à mieux comprendre le sens des règles en place, à se les réapproprier ou au contraire va permettre de lever un non sens et éventuellement de changer la règle et ainsi de faire évoluer les relations différemment. Pour apprendre à lire les situations, animateurs et directeurs ont acquis durant leur formation BAFA et BAFD quelques outils et références, enrichis de leur propre parcours et expérience personnelle et c’est bien par une pratique rigoureuse de temps d’évaluation individuel et collectif de son fonctionnement qu’une équipe gardera la maîtrise de son projet. N’oublions pas que notre manière de nommer les faits, c’est à dire de les considérer, renseigne sur notre propre rapport aux faits eux-mêmes. Il s’agit bien de comprendre ce qu’on voit, et non de voir (que) ce qu’on comprend. Ce travail d’analyse critique et de mise à distance n’est pas facile, et ne peut exister que si les conditions minimum d’un travail en équipe sont réunies, c’est à dire autorisant et facilitant l’échange, la confrontation entre les personnes.
Bertrand Chavaroche, La vie quotidiennement réfléchie, Les cahiers de l’animation vacances loisirs n°32, ceméa, 2000.