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Éloge de l’ordinaire

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« Ici, il n’y a rien de spécial. C’est une colo très ordinaire », annonce d’entrée la directrice de ce centre maternel. Je suis venu pour faire un reportage photos et elle s’excuse un peu de n’avoir à m’offrir que l’ordinaire de la vie des enfants. Mais pendant les deux jours que je vais passer dans ce centre qui accueille des enfants de 4 à 6 ans, je vais être confronté à des situations éducatives d’une extraordinaire richesse.

Il n’y a rien de « médiatique » : pas d’escalade, de camping, d’astronomie, d’initiation à l’informatique ou tout autre activité d‘appel que certains organisateurs mettent en avant pour séduire les parents. Rien de tout cela. Simplement une vingtaine de jeunes enfants qui vivent ensemble, jouent, chantent, gèrent les activités du quotidien en harmonie avec leur âge et découvrent la nature.

PRENDRE LE TEMPS DE DEVENIR GRAND

Les enfants vivent à leur rythme. Ici on prend le temps de devenir grand. Le matin, ils arrivent en forme. Chacun a dormi en fonction de ses besoins. On prend le temps de faire ou d’apprendre à faire, tous les gestes de la vie quotidienne, se laver, faire son lit, manger... Dans la vie courante, les enfants subissent bien souvent tous ces moments, plus qu’ils ne les gèrent, car le temps joue contre eux : « Déjeune vite, on est pressé, il faut aller à l’école. Attends, je vais beurrer tes tartines, ça ira plus vite... » Ici le temps joue pour eux, au rythme de chacun. On prend le temps de beurrer ses tartines, couper sa viande, faire son lit, se laver... Les adultes sont là pour aider ou apprendre en cas de besoin. La vie quotidienne n’est jamais un moment neutre. Et chez les jeunes enfants, elle représente une part importante de leur vie. À travers elle, ils affirment leur capacité à se prendre en charge et à appréhender le monde qui les entoure. Dans ce centre de vacances, on prend aussi le temps de jouer, de chanter, de raconter des histoires, de découvrir la nature... ou de ne rien faire de particulier. Le rythme des activités s’adapte aux enfants Les animateurs alternent des activités très structurées où tout le monde participe, à des moments où les petits sont plus autonomes et agissent en fonction de ce qui leur tient personnellement à cœur : jouer aux voitures, se déguiser avec les autres, passer du temps à caresser le poney qui est dans le parc de la colo ou aller se mettre tout seul dans la cabane au milieu du pré... Les animateurs étant là pour aider, proposer ou laisser faire. On organise des activités pour que les enfants découvrent, apprennent, coopèrent. Mais on leur laisse aussi du temps pour choisir, s’organiser et pratiquer des actions en fonction de leur propre développement. Ce qui m’a également frappé durant le temps que j’ai passé dans ce centre, c’est l’aspect des relations entre les enfants et avec les adultes. Vivre avec les autres. Apprendre à se respecter mutuellement, malgré les différences, gérer les oppositions et les conflits. Tout cela semblait se vivre au quotidien. Et les quelques disputes auxquelles j’ai assisté se sont gérées et vite résolues avec ou sans l’aide des adultes On avait le sentiment d’un groupe d’enfants vivant ensemble dans le respect de tous et où chacun avait sa place. Un enfant handicapé moteur faisait également partie du groupe. Les relations qu’il avait avec les autres étaient saines. Et l‘ensemble des enfants portait sur lui un regard très naturel, sans rejet, ni compassion, étant capables de jouer avec son fauteuil ou de se disputer avec lui pour savoir qui utiliserait le gros feutre en premier. Je pense que l’organisation du centre pour un respect du rythme de chacun, n’était pas pour rien dans cet équilibre de vie. Quand chaque enfant est en situation de réussite par rapport à ce qu’il entreprend et se retrouve dans ce qu’il vit au centre de vacances, cela facilite grandement ses relations avec les autres.

NE PASSONS PAS À CÔTÉ DE L’ESSENTIEL

Le tableau dressé ici peut paraître idyllique, pourtant ce n’est que le centre de vacances très « ordinaire », qu’ont vécu ces enfants de 4 à 6 ans.
Il fait bien ressortir le caractère essentiel de la vie collective et des relations. Mon propos n’est pas d’opposer la voile, l’escalade, le camping ou l’équitation à la vie du centre de vacances. Et de dire qu’il ne faut pas qu’il y ait ce type d’activités dans les colos. Il est bien évident que des activités spécifiques peuvent apporter beaucoup aux enfants et être enrichissantes pour eux. Mais il arrive parfois que, par leur médiatisation, elles cachent l’importance de la vie collective et des relations, les fassent passer au rang de choses subalternes et de second plan. Voire même, fassent vivre aux enfants des activités ne correspondant ni à leur tranche d’âge, ni à leurs besoins alors que ce qui fait toute la richesse éducative du centre de vacances, c’est bien ce lien entre l’activité, le rythme de vie et les copains.

Paru dans Les cahiers de l’animation vacances loisirs n°69 / ceméa

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