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Ai-je été une des seules à avoir fait de l’éducation relative à l’environnement sans le savoir ? et sûrement à continuer, à certaines occasions... Mes expériences d’animation volontaire sont antérieures à ma rencontre avec le groupe national éducation relative à l’environnement des Ceméa. Il me semble cependant avoir mis des choses en place qui questionnent la même démarche éducative. Les pratiques d’activités et les réflexions que nous avons menées dans le cadre du réseau éducation relative à l’environnement des Ceméa m’ont vraiment aidée à prendre conscience de l’importance des interactions que nous avons avec le milieu qui nous entoure, qu’il soit humain ou/et naturel. Depuis lors, j’ai encadré des stages Bafa et Bafd en ayant le souci de prendre en considération les conséquences que pouvait avoir nos interactions avec le milieu stage sur les choix pédagogiques que nous allions faire.
En tant qu’animatrice et directrice de centres de vacances et de loisirs, j’ai toujours accordé beaucoup d’importance au temps de découverte et d’appropriation des lieux qui allaient accueillir le séjour auquel je participais. Je pense tout d’abord que j’appréhendais l’inconnu et j’avais besoin de savoir où et avec qui j’allais vivre cette aventure. Il me semblait ensuite que ces premiers repères étaient rassurants pour tout le monde. Dans les différents centres de vacances auxquels j’ai participé, nous avons toujours prévu une découverte du centre, des personnes qui allaient partager le séjour et des recoins de ce lieu qui allait devenir notre. Lors d’un centre de vacances dans le Jura, tous les villageois (village de quarante habitants) étaient là pour accueillir la centaine de personnes qui arrivait, les deux séjours d’été chamboulaient leur vie quotidienne, ils se sentaient partie prenante de l’aventure, ce qui constituait un enrichissement supplémentaire pour notre projet collectif. Nous avons souvent organisé des balades découvertes autour du centre. Qui n’arrive pas dans une « colo bord de mer » en demandant : « Mais elle est où, la mer ? », parce que souvent, elle est bien là, à quelques pas, mais pas à portée d’yeux. Il y a donc à se rassurer, à découvrir ce milieu, parfois pour la première fois, et il est impossible de passer à autre chose tant que ce n’est pas fait.
Une fois que nous savions où nous étions et avec qui nous allions vivre, restaient toutes les questions relatives à comment nous allions vivre ensemble. Comment respecter au mieux les rythmes individuels quand les enfants dormaient dans deux dortoirs de soixante lits chacun, sans cloisonnement. Comment assurer un petit déjeuner réellement échelonné quand tous partageaient un même dortoir ? De fait, nous avons été créatifs ensemble, avec les enfants. Des affinités se sont constituées, des lits se sont rapprochés, des sous espaces se sont dessinés, nous avons cousu ensemble des séparations, et, passée la première semaine, il tenait à cœur de tous d’essayer de laisser dormir ceux qui le voulaient - cela pouvait très bien être soi le lendemain !
J’ai souvenir que nous avons toujours aménagé des coins avec les enfants, nos choix n’étaient pas toujours les plus judicieux (dans un couloir, dans un débarras), mais ils étaient fait collectivement et ces espaces étaient réellement investis.
J’ai le sentiment que nous avons toujours essayé de faire au mieux, par rapport aux valeurs d’éducation nouvelle que nous défendions, mais peut-être sans vraiment prendre conscience que certaines contraintes, ou au contraire, certaines possibilités, étaient posées par le milieu du centre. C’est en redécouvrant l’importance que les Ceméa accordent au milieu « résultante d’un jeu subtil et complexe d’interférences et élément agissant fortement sur le comportement des personnes et des collectivités », par l’intermédiaire du groupe national et du réseau éducation relative à l’environnement que j’ai découvert combien il était important de prendre conscience de ces interactions, pour se donner les moyens de poser des choix éducatifs et pédagogiques en connaissance de cause, de manière à permettre à chacun de se situer et de prendre position. Je n’ai malheureusement pas pu encadrer d’autres centres de vacances ou de loisirs depuis, même si je souhaite toujours le faire, j’ai par contre essayé de mettre en œuvre cette démarche lors des stages Bafa et BAFD que j’ai eu à encadrer. En voilà une illustration.
Dans quelques jours, j’accueille avec mon équipe un stage Bafa à Collonges-la Madeleine (Bourgogne). C’est la première fois que j’encadre un stage là-bas, même s’il s’agit d’un lieu fréquent d’accueil de stages. La veille de l’ouverture du stage, nous arrivons. C’est un environnement rural, très verdoyant. Le centre se trouve dans les hauteurs du village de Collonges-la Madeleine. Je me dis que ce village à proximité est une opportunité, la vue panoramique depuis le centre est aussi intéressante. Quand je vais quelque part, je ne peux pas m’empêcher d’observer où je suis. Cette curiosité s’applique autant à l’environnement naturel qu’aux personnes que je peux être amenée à rencontrer. C’est peut-être mon attachement à la démarche d’éducation à l’environnement qui génère cela. Je suis curieuse de ce lieu dans lequel nous allons vivre plusieurs jours car je sais que nous évoluerons en interaction avec cet environnement, que nous en ayons conscience ou pas. Lorsque nous organiserons des activités, les espaces existants dans cet environnement (salles, cour, village, forêt, champs) nous permettront de choisir où et comment vivre des démarches pédagogiques. Il me tient à cœur que notre projet de formation porte cette démarche d’appropriation du milieu par tous les acteurs du stage.
Avec l’équipe d’encadrement du stage, nous organisons une balade « découverte » des environs puis nous prenons le temps de découvrir le centre - organisation des bâtiments, rencontre avec les personnes. Nous avons désormais quelques repères qui vont nous permettre de construire notre projet. Des questions se bousculent dans nos têtes sur la question de la vie quotidienne : comment vont se répartir les personnes dans les chambres ? Comment allons-nous gérer notre rythme de vie de groupe au sein d’un collectif plus large, avec un chantier de la Cotorep qui partage les locaux et des classes vertes qui peuvent avoir besoin de certains salles lors des journées où les enfants viennent sur le centre ? De manière plus générale, comment vont se partager les espaces collectifs (salles à notre disposition à titre permanent ou pas), comment installer des coins dans cette réalité, ces coins sont-ils ouverts à tous ou pas ? Il va y avoir deux services de restauration, nous mangerons à 13 heures, quelles conséquences cela va-t-il avoir sur le rythme des journées ? Aurons-nous la possibilité d’avoir accès à la cuisine, de travailler sur les repas, d’avoir des projets en la matière ? Comment allons-nous organiser la participation à la gestion logistique du stage, qui nous paraît une composante importante du stage (est-ce à nous de faire la vaisselle et le ménage de tout le monde, il n’est pas prévu que le chantier Cotorep intervienne sur la vie quotidienne et le centre qui nous accueille n’a pas prévu de personnel pour prendre en charge l’autre groupe, il comptait sur nous... Cela ne risque-t-il pas de générer des tensions ? Il nous faut avoir un projet là dessus pour que le groupe de stagiaires puisse ensuite s’en saisir, en choisissant en pleine conscience le mode de vie du groupe, dans les limites imposées par notre environnement (à nous aussi de faire évoluer ces limites dans la mesure du possible). Toute cette réflexion est fondamentale, elle nous permet d’agir en connaissance de cause, avec et dans cet environnement, sans l’ignorer, mais sans en attendre l’impossible non plus.
Un des premiers temps avec les stagiaires sera une balade découverte de l’environnement autour et dans le centre, ainsi que l’appropriation du centre, les locaux, les personnes qui le font vivre et une information sur les personnes qui vont le partager partie du temps. Cette immersion dans le milieu doit permettre d’élaborer des repères communs pour que chacun puisse être acteur du stage à part entière.
Prendre conscience de ces interactions, c’est se questionner sur les valeurs que ces relations portent et il me semble que c’est une condition qui permet aux stagiaires de se positionner comme acteurs du déroulement de leur formation. Quelle va être la place de chacun dans un projet collectif, qu’il soit à l’échelle d’un groupe stage ou de la société ? Les stagiaires doivent pouvoir s’approprier cet environnement, sinon, les choix que nous poserons ne pourront être ni lisibles ni compréhensibles pour eux. Ils subiront le « milieu stage » et que nous en ayons conscience ou non, nous serons acteurs de conceptions éducatives que nous ne partageons pas forcément. C’est en ce sens que notre action pédagogique est éminemment politique.
Les stages traduisent forcément des choix quant à la relation au milieu, à l’importance de la vie quotidienne, à la place des stagiaires dans ce projet de formation, en fonction des contraintes que nous pouvons avoir et des priorités que nous nous donnons. Nous faisons ainsi de l’éducation relative à l’environnement sans le savoir en abordant les choix éducatifs qui sous-tendent la relation à soi, aux autres et à l’environnement naturel. Ainsi l’éducation relative à l’environnement, loin d’être une discipline de spécialistes des petites fleurs ou du réchauffement climatique, est un vecteur fondamental de l’éducation nouvelle qui permet de construire la démarche éducative en interaction avec le milieu ambiant, qu’il soit naturel ou humain, et non pas de manière virtuelle, hors sol...
Myriam Fritz-Legendre Les Cahiers de l’Animation
Vacances Loisirs, n° 46