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Le coin découverte évoque toujours chez moi les exploits entomologiques des petits Paul et Marcel dans le roman de Marcel Pagnol & La gloire de mon père
Drôle d’association d’idées... et pourtant !
Laissons parler d’abord quelques-uns de ces souvenirs d’enfance...
“ La première quinzaine de juillet fût bien longue... Nous poursuivions sans conviction ces jeux d’écoliers tout à coup rapetissés et désenchantés par l’approche lente mais sûre des jeux éternels des grandes vacances. Je me répétais sans cesse quelques mots magiques : les pinèdes, les collines, les cigales... Je n’en avais jamais vu de près... c’est pourquoi écoutant les chanteuses égarées qui nous narguaient... je pensais sans la moindre poésie : “ toi ma vieille, quand nous serons dans les collines, je te mettrai la paille au cul ! ”, telle est la gentillesse des petits anges de huit ans...” conclut délicieusement Pagnol.
Je vous passe, ou plutôt vous invite à lire ou relire les “ expériences scientifiques ” menées sur les fourmis, cigales et autres mantes religieuses qui occupaient les journées de ces deux petits citadins, à la découverte de la nature, de leur environnement. J’imagine des sourcils protecteurs se froncer : est-ce de l’éducation à l’environnement que d’enflammer les fourmilières, de livrer des sauterelles en pâture aux araignées ou d’organiser des combats de “ tigres des insectes ”, pardon de mantes religieuses ? Que devient le respect du vivant ? D’aucuns pourraient répondre que comme la science, l’éducation ne se fait pas sans “ casser des œufs ” et qu’en matière de respect du vivant (à commencer par le respect des droits de l’homme) les adultes sont parfois mal placés pour ce type d’indignation.
Mais la réponse est ailleurs... revenons au CVL et au coin découverte.
Une forme d’animation indirecte qui structure souplement l’espace et le temps de vie de l’enfant
Les coins permanents d’activités incitent, facilitent, rendent possible une activité choisie et autonome de l’enfant qui part de sa réalité, qui ne fige pas son activité dans le seul schéma des adultes, tout en permettant aussi de faire évoluer celle-ci vers des objectifs d’éducation (y compris à l’environnement)...
On sait combien dans des formes de loisirs collectifs, les temps calmes, les temps non animés, les temps individualisés, les temps choisis, sont importants. Ils n’ont rien à voir avec ce que certains appellent à tort des temps libres dans lesquels l’animation s’effacerait au profit d’un type de garderie, durant laquelle seule la sécurité des enfants serait encore un objectif !
Les coins permanents d’activités sont une réponse concrète. Forme d’animation indirecte, ils permettent à l’adulte un autre type d’intervention que la seule conduite d’activité. Plutôt une présence, un accompagnement, résultat d’un travail d’organisation antérieur. Ils permettent aussi cette observation des enfants qui offre souvent, pour peu que l’on sache et que l’on veuille regarder, la réponse à la sempiternelle question de la réunion du soir “ qu’est-ce qu’on pourrait faire demain ? ”. L’observation un peu fine de ces temps met en évidence des centres d’intérêt que des activités judicieusement proposées pourront venir prolonger.
Parmi les coins permanents d’activités, le coin découverte, sans bien entendu exercer un quelconque monopole (il existe aussi le coin lecture, peinture, jeux, expression...) peut occuper une place importante et même constituer un véritable “ pivot ” d’un projet de découverte et d’éducation à l’environnement en CVL.
Un carrefour avec trois critères de base et un minimum de matériel
Un coin découverte, cela ressemble à une croisée des chemins des enfants dans le centre réunissant les caractéristiques suivantes : un lieu familier et visible, une surface de pose minimale et une surface d’affichage. Le décor est planté : un hall ou une salle à manger, deux ou trois tables avec une étagère, des murs avec des panneaux où l’on peut afficher. Du matériel ? Oui, mais rien de très sophistiqué :
des contenants, beaucoup de contenants faciles à transporter en toute sécurité (boîtes plastiques transparentes, boîtes de pellicules photos, sacs congélation, petites boîtes loupes, voire boîtes fermées et aérées vendues en magasins spécialisés, des petites épuisettes, filets pour les captures (nous y revoilà) ;
des contenants plus importants, donc non mobiles, qui accueilleront les trouvailles, les captures, comme des aquariums, des terrariums (trouvables en commerce, à récupérer ou à fabriquer) ;
un peu de matériel d’observation : quelques jumelles, des loupes, et comble de la richesse, une loupe binoculaire (chère mais quelle manière d’approfondir la découverte en plongeant dans l’univers microscopique !) ;
quelques ouvrages documentaires, à la fois pour la détermination (les carnets nature des Éditions Milan sont d’un excellent rapport qualité-prix et très accessibles) pour inciter à approfondir la découverte (la série des Copains chez Milan, des ouvrages Gallimard).
Un petit musée vivant, point de départ et point d’aboutissement des activités de découverte
Le coin découverte vit comme un carrefour où l’on vient librement prendre des “ outils ” de capture et de découverte (ce qui signifie au passage qu’avec quelques règles posées, c’est autorisé, voire encouragé), où tout naturellement et parfois triomphalement on expose aussi ses trouvailles (les contenants de réception sont là pour cela). Les boîtes sont donc un peu le symbole du coin.
Le coin découverte devient une sorte de “ musée vivant ”, à la taille des enfants, réalisé par les enfants, et pour les enfants. Lieu d’aller-retour, on y prend, on y ramène, et on vient y voir.
Au début du coin, les “ rois ” en seront les petits animaux (têtards, insectes, lézards, crustacés...) qui fascinent les enfants et sont aussi accessibles à la capture (laissons s’exprimer cet atavisme en posant juste quelques règles de respect !).
Mais cela peut évoluer avec le temps et pour peu que les adultes jouent le jeu. Les enfants sont “ fouineurs ”, “ dénicheurs ” (l’origine des mots est intéressante !) et ils ramènent quantité de trésors (plumes, os ou squelettes, nids, écorces, cailloux, fleurs, champignons...). Les adultes ont un rôle à jouer : s’intéresser à ces trouvailles, aider à identifier, observer, comprendre, aider aussi à mettre la trouvaille en valeur (cette forme de socialisation est importante : poser la plume sur un joli papier, imaginer le jeu de devinette pour les écorces, faire tester aux autres la dureté de la roche, donner des informations sur les crustacés...).
Les adultes peuvent aussi aider à faire vivre et évoluer le coin avec quelques trouvailles originales ou prestigieuses qu’ils mettront en évidence avec des petits “ trucs ” interactifs : faire voir une sporée de champignons, des poils de sangliers, une pelote de rejection de rapaces à faire décortiquer, faire expérimenter telle astuce d’une plante... Autant d’appâts qui fonctionnent bien !
De même, avec doigté, ils peuvent accompagner les trouvailles en affichant quelques documents visuels tirés de revues nature pour enfants, telles que Wapiti, Hibou, de fiches de la Hulotte ou de la Gazette des terriers, qui permettront de prolonger la découverte.
D’autres évolutions sont possibles : le coin suscite des envies et permet autour de lui d’en parler... partir à la recherche de traces et indices de présence d’animaux, explorer la mare ou la côte rocheuse, aller voir des oiseaux ou des marmottes... Autant d’activités que le coin pourra prolonger aussi sous forme de mini-expositions réalisées par les enfants sur tel ou tel thème.
L’adulte doit savoir être présent sans imposer sa présence
Les adultes devront avoir plusieurs rôles :
prévoir et installer, on l’a déjà vu, ce qui veut dire aussi suivre au quotidien : qu’en est-il du matériel ? des captures ? des trouvailles ? Il faudra être vigilant à ce que les règles de base soient respectées. Parmi celles-ci, la particularité du coin découverte, c’est de “ manipuler du vivant ”, et plutôt que de moraliser ou de théoriser abstraitement, il y a là une occasion d’apprentissages réels : comment nourrit-on le lézard capturé ? combien de temps le garde-t-on ? dans quelles conditions ? Il faut éviter de transformer le coin en mouroir en responsabilisant les enfants sur leurs trouvailles ;
provoquer en enrichissant le coin pour stimuler de nouvelles découvertes, faire évoluer celui-ci, car sinon il perdrait vite de son intérêt ;
accompagner la découverte. C’est sans doute le plus délicat. Cela nécessite de la disponibilité durant les temps calmes. Au début, surtout, il faut éviter de marquer trop la présence adulte qui pourrait effaroucher. Savoir être présent donc, sans imposer sa présence, le dosage est subtil ! Lors des retours des trouvailles, il faut savoir montrer son intérêt, questionner (où ? quand ? quoi de particulier ?...), se poser aussi des questions en observant avec les enfants (que l’on ait ou pas les réponses, on finira bien par les trouver). Il faut aussi éviter d’identifier à leur place, en les aidant plutôt à faire et à vérifier des hypothèses. Il faut inciter enfin à valoriser la trouvaille dans le coin, sans se substituer à l’enfant ;
savoir voir ou entendre des intérêts : le coin nature a ses habitués qui l’alimentent et le visitent régulièrement, quand ils ne le font pas visiter eux-mêmes ! Directement ou non, ils font entendre ou montrent des prolongements possibles : faire une balade oiseaux, aller pêcher, tenter de voir des animaux... Il a aussi ses visiteurs furtifs qui ne veulent pas trop s’y montrer et qui attendent, se contentant de “ butiner ” en attendant peut-être un jour de...
Alors, et si finalement le coin découverte n’était qu’une façon de permettre à des millions de petits Paul ou Marcel de pouvoir vivre en CVL la magie de l’exploration et de la découverte de leur environnement proche ?
“ Ces jeux éternels des grandes vacances ”, dont parlait si justement Pagnol, sont aussi une forme d’éducation à l’environnement, voire à l’enfance, une étape indispensable de celle-ci.
Jean-Louis Colombiès, Les Cahiers de l’Animation Vacances Loisirs, n° 17