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Elle est difficile à définir.
Parce que le mot désigne un processus, non un état. Le mot « adulescens » est le participe présent d’un verbe latin « adulescer » : « grandir ». Par opposition, le participe passé du même verbe « adultus » indique le terme d’un développement achevé.
Elle est souvent définie par la maturation sexuelle. Mais cette définition est insuffisante, car on constate une telle maturation chez l’animal, mais pas de conduites spécifiques de l’adolescence.
Le mot, enfin, est souvent confondu avec ceux de « puberté », « jeunesse », etc...
« Puberté » a un caractère surtout organique et renvoie, en particulier, à l’apparition et à l’installation de la fonction sexuelle. Le terme « jeunesse », lui a un caractère plutôt social : la jeunesse se définit par rapport à la génération parvenue à la pleine maturité. « Adolescence » désigne d’habitude l’ensemble des transformations corporelles et psychologiques qui se produisent entre l’enfance et l’âge adulte. On a parfois coutume de distinguer l’adolescence proprement dite (13-18 ans) de la préadolescence (11-13 ans) et du statut de jeune adulte (plus de 18 ans). Mais ces distinctions restent vagues et arbitraires.
Elle est difficile à cerner dans le temps.
On admet qu’elle commence à la puberté, mais l’âge de la puberté est variable à travers l’espace et le temps. Il est, en particulier, fonction du climat, de l’appartenance raciale, du milieu social, du régime alimentaire, etc... Dans les pays développés, on constate, par exemple, en même temps qu’une accélération de la croissance physique, que la puberté apparaît de plus en plus tôt.
Il est également difficile de lui donner un terme. Quand devient-on adulte ? L’adolescence se termine-t-elle à la majorité civile ( 18 ans en France) ?, au mariage (âge légal : 15 ans) ? à l’entrée dans la vie active (16... ou 28 ans) ? D’autre part, les rythmes de maturation psychoaffective sont très variables selon les individus et leurs conditions d’existence et il est malaisé de fixer un terme à une telle maturation.
Elle n’existe pas dans toutes les sociétés ni dans tous les milieux.
Dans certaines sociétés primitives, l’enfant est, très vite, associé aux activités adultes, tant sur le plan du travail que sur le plan sexuel. Il ne connaît pas cette période transitoire que nous appelons adolescence et son admission précoce dans la société adulte est célébrée avec une solennité particulière par toutes sortes de rites initiatiques. L’ethnologue Margaret MEAD a, par exemple, montré que les conflits typiques de l’adolescence n’existent pas chez les indiens de Nouvelle-Guinée.
Elle n’a pas existé à toutes les époques.
A 14 ans, le jeune Romain revêtait la toge virile, le page du Moyen-âge était armé chevalier et les rois de l’Ancien Régime jugés majeurs. Dans les classes laborieuses, jusqu’ à la législation du travail du XIXè siècle, l’accès du travail se faisait au sortir de l’enfance : l’enfant, avant même la puberté, était, à la ferme, à l’atelier ou à la mine, soumis à un rythme de vie et des tâches d’adulte.
La brièveté de la durée de la vie, l’abondance et le poids des tâches nécessaires à la survie, tout cela entraînait l’assimilation rapide des enfants aux individus plus âgés. Il n’y avait donc pas de période d’incertitude : on s’identifiait à des modèles, impératifs, clairs et permanents.
L’âge de transition entre 13 et 18 ans, que nous appelons aujourd’hui adolescence n’a donc pratiquement eu ni nom ni existence avant le XIXè siècle. Ce nom et cette existence, cette nouvelle classe d’âge , on les doit à la lutte contre l’exploitation de la main d’oeuvre enfantine et à l’école obligatoire. L’adolescence n’est donc pas un « fait de nature », elle est née à l’époque contemporaine. D’ailleurs, les premières études la concernant n’ont vu le jour qu’à la fin du siècle dernier et il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour qu’elle commence à intéresser aussi bien l’opinion publique que les sciences humaines.
Elle est née d’un contexte historique et social particulier.
Délai entre la puberté et la vie adulte, elle ne pouvait naître que si l’accès à la profession ou au mariage était retardé ou différé. Ce délai s’est peu à peu instauré :
grâce à la prolongation de la durée de la vie. Le nombre des individus susceptibles de travailler s’accroissant, il n’a donc plus été nécessaire que l’entrée des enfants dans la vie professionnelle soit si rapide. Les parents, vivant plus longtemps, ont pu aussi davantage assurer la subsistance de leurs enfants pendant leurs études.
grâce au progrès technique. A partir de la seconde moitié du XIXè siècle, les tâches manuelles sont devenues moins nombreuses et moins lourdes, mais ont nécessité l’apprentissage de technologies de plus en plus compliquées. Il s’en est suivi une exigence accrue en madère de formation, qui a entraîné un prolongement de la scolarisation.
grâce à la durée de la scolarisation. On peut dire que c’est l’invention de l’école laïque et obligatoire, en 1881, qui a créé l’adolescence, d’autant plus que l’allongement de la scolarité, destiné à former une main d’oeuvre plus qualifiée pour l’industrie, a été, en même temps, le fer de lance des revendications démocratiques et perçu comme la condition du développement de l’égalité" des chances.
grâce à l’amélioration des conditions de vie, résultat des luttes sociales populaires,
ouvrières et paysannes, depuis plus de 150 ans.
Elle est donc un phénomène culturel.
Ce qui signifie qu’il n’y a pas un type intemporel et unique d’adolescent. Mais, si elle est inséparable du contexte sociologique et, dans une large mesure créée par lui, cela ne signifie pourtant pas qu’elle soit un phénomène négligeable. On constate, au contraire, que, dans nos sociétés :
elle commence de plus en plus tôt. En Europe, l’âge de la puberté s’est abaissé d’environ trois ans depuis un siècle.
elle finit de plus en plus tard à cause de la prolongation des études et de l’insertion de plus en plus tardive des jeunes dans le monde du travail.
elle concerne une population croissante d’individus. Dans les pays industrialisés, elle représente 1/3 du total des habitants. Plus particulièrement, les jeunes de 13 à 18 ans, en France, représentaient en 1980, près de 10% de la population. Si elle a été d’abord essentiellement bourgeoise, la proportion de jeunes qui passent par elle ne cesse d’augmenter, même dans les pays en voie de développement.
elle constitue un groupe social autonome qui a son unité, ses caractéristiques, ses lois. Même s’il faut se garder d’une conception trop simplifiée et trop monolithique de l’adolescence (les jeunes présentent, en effet, une grande diversité de pensée et de vie ; il y a peu de choses communes entre un jeune 0.S. de 17 ans et un lycéen du même âge), il n’en reste pas moins que l’on peut parler des adolescents et d’un style propre à une classe d’âge. Cette homogénéité est le fait des grands rassemblements urbains, de la participation aux mêmes loisirs. Elle a été renforcée par ceux pour qui l’adolescence représente une clientèle de choix. Devenue cible publicitaire, celle-ci a ses magazines, ses émissions de radio, son style vestimentaire ; tout ceci contribue à l’uniformisation du groupe.
Plus profondément, les différences se creusent par rapport générations précédentes et cela dans des proportions jamais atteintes et de manière tout à fait neuve.
La scolarisation accuse la différence avec les parents.
L’influence des mass-médias va dans le même sens. MACLUHAN va même jusqu’à soutenir que les jeunes d’aujourd’hui, soumis depuis leur enfance à la télévision, constituent une génération à part et tout à fait nouvelle.
La rapidité des changements que connaît notre monde est telle que les jeunes d’aujourd’hui vont vers un avenir totalement imprévisible et inconnu, pour lequel les valeurs et les connaissances de leurs parents ne les arment guère.
L’expression « crise d’adolescence » est souvent employée avec beaucoup de condescendance par les adultes. Elle leur permet de nier l’importance de cette période de la vie et la souffrance qu’elle implique.
L’adolescence est une période de mutation totale : on doit passer de sa « peau d’enfant » pour endosser une « peau d’adulte » que l’on a pas encore. On est donc sans défense, comme écorché vif. Françoise DOLTO, pour parler de cette période, évoquait le homard qui, à un moment de sa vie, change sa carapace pour une autre et se trouve entre les deux, dépouillé de son armure habituelle et particulièrement vulnérable. L’adolescent l’est aussi. Avec un corps dont l’aspect extérieur change et qui est agité, de l’intérieur, par des émotions et des sensations nouvelles aussi difficiles à comprendre qu’à communiquer et avec nombre de problèmes dans sa tête.
Des bouleversements physique et physiologiques.
Chez les garçons :
Après une période de préadolescence ou ils ont vécu : mue de la voix, transformation du visage, augmentation de la cage thoracique et enfin augmentation du volume du pénis et des testicules ; ils poursuivent avec :
la croissance en taille se ralentit mais le poids augmente
la musculature se développe
apparition des poils faciaux et thoraciques
apparition des spermatozoïdes
Chez les filles :
C’est la continuation de la préadolescence qui à vue naître le développement des seins, puis l’apparition des poils pubiens et l’élargissement du bassin. C’est la fin de la puberté :
apparition des poils sous les aisselles
dans certains cas, première ovulation (qui peut survenir avec un décalage par rapport aux premières règles).
De cet immense chambardement, découle inévitablement une perte du repère le plus essentiel pour son identité : son corps. Et ce n’est pas tout car en même temps que son corps bouge, sa pensée et sa personnalité se développent tout autant.
Le développement de la pensée et de la personnalité.
L’adolescent possède pleinement la pensée abstraite : il s’en sert pour manier des concepts abstraits, qu’il conforte et oppose à d’autres concepts. Cette période est celle des grandes spéculations métaphysiques, scientifiques, philosophiques ou politiques. L’adolescent utilise sa pensée conceptuelle pour répondre aux grandes interrogations sur ses origines et surtout son devenir. II a besoin de confronter ses spéculations à d’autres positions : il va rechercher les grandes discussions où passe la nuit à refaire le monde. Il pourra d’ailleurs changer trois fois de positions au cours de cette discussion, tout en gardant toujours la même virulence dans son ton. Ses prises de positions sont souvent intuitives, et manquent d’argumentation. L’essentiel est d’ailleurs souvent plus le fait de s’affirmer soi-même au travers de l’affirmation de ses idées que la portée des idées elles-mêmes. Il recherche à être original, dans le débat d’idées comme dans d’autres circonstances.
L’avenir (et son avenir, en particulier) est souvent un des sujets de ces spéculations : il cherche à se projeter dans l’avenir, en fonction de son idéal du moment. Cette recherche de réponses et d’originalité est propice à un engagement ou tout du moins un idéal, qu’il soit idéologique, politique, religieux. Le fait de rejoindre « une cause » le rassure, car cela donne un sens et une structure à son action jusque là souvent désordonnée.
On dit de l’adolescence que c’est une seconde naissance. Et bien, cela se manifeste jusqu’au bout : comme dans la petite enfance, c’est la personnalité et ses exigences qui priment sur le raisonnement.
Cela explique le caractère absolu, voire « planeur » de l’expression de l’adolescent. Cela explique aussi qu’il soit influençable et vulnérable dans la discussion, bien souvent plus guidé par un besoin de contradiction que par une véritable certitude. A cette tranche d’âge plus encore qu’à d’autres, il faut se méfier des généralisations. Si ce schéma général (pensée conceptuelle/constructions , spéculatives/besoin de se confronter) est valable la plupart du temps, ses manifestations peuvent être très diverses.
Ainsi certains manifestent une grande ouverture et une écoute intéressée des opinions des autres. D’autres à l’inverse, se braquent très facilement et supportent mal la contradiction ; il s’agit là de manifestations d’un caractère qui vient de bien plus loin que l’adolescence.
Le comportement affectif.
Le comportement affectif de l’adolescent est dominé par un besoin de sécurisation affective : il a besoin d’être compris, d’être reconnu, d’être aimé. Là encore, il se recherche. La nature de ses rapports avec les autres se voit profondément modifiée : que ce soit avec ses parents, les autres personnes de son sexe ou de l’autre sexe. Il a besoin d’expérimenter la nouvelle nature de ces rapports (sexualité, rapports d’adulte à adulte avec ses parents) tout en continuant à être reconnu et aimé. Dans sa découverte des rapports amoureux et de la sexualité, il a besoin de se rassurer, et donc d’abord de se plaire, d’avoir de l’estime de soi. Or, c’est justement une période où le développement physique (ce nouveau corps qui ne me plaît pas), les premières expériences malheureuses (je ne suis pas capable d’être aimé) peuvent l’enfoncer dans un sentiment d’infériorité.
Les premières liaisons amoureuses sont vécues intensément. L’adolescent a soif de tendresse et d’absolu. Les premières ruptures, les premiers chagrins d’amour sont donc eux aussi très intenses, même s’ils ne durent pas toujours longtemps. Après cette idéalisation commune aux garçons et aux filles, l’attitude diffère généralement par la suite entre filles et garçons. Les filles continuent à rechercher de la tendresse, si possible dans une relation durable, alors que certains garçons privilégient plus la sexualité et la recherche du plaisir.
Face aux difficultés que lui pose l’amour, l’adolescent peut réagir de différentes façons.
Trois des plus fréquentes sont :
l’ascétisme : face à un désir accru, l’adolescent croit se mettre a l’abri par une |interdiction accrue. Les manifestations peuvent être : fuite dans le travail, isolement dans sa chambre, manifestation de tristesse permanente...
l’intellectualisation : au lieu de fuir devant les pulsions, l’adolescent tourne vers elle son intérêt, mais de façon purement abstraite. Les manifestations de l’intellectualisation sont celles qui ont été vues plus haut : grandes spéculations intellectuelles, grands sentiments généreux sans prise concrète sur le réel...
la sublimation : l’adolescent dérive ses pulsions vers des buts non sexuels, socialement valorisés, tel que la réussite scolaire, le sport de compétition, la prise de responsabilité.
Ces réactions représentent des passages dans la construction de la personnalité de l’adolescent, qui peuvent lui être nécessaires. Par rapport à ses parents, il continue le processus de détachement ; il a surtout besoin de prouver sa capacité d’autonomie.
Cela peut se manifester par une poursuite -ou un début- de l’affrontement avec les parents, avec la volonté de matérialiser le détachement : fugue, chambre hors du domicile parental. Cela peut aussi se passer sans affrontement, avec la définition plus ou moins explicite d’un nouveau contrat avec les parents.
L’adolescent dans le groupe.
L’adolescent a une conscience plus aiguë de la société qui l’attend. Il peut avoir différentes formes de réactions par rapport au système : rejet (militantisme, marginalité), acceptation (volonté de « réussir », consommation), dérision... Mais toutes ces réactions ont en commun une certaine virulence, une détermination marquée.
Devant tous les bouleversements qu’il ressent, l’adolescent a besoin de se rassurer dans un groupe d’adolescents à son image. Il va chercher à assumer sa personnalité à travers le groupe : confiance en soi, sécurité, renforcement du moi... Ce groupe va sécréter un mode de fonctionnement, un type de comportement stéréotypé propre à ce lui-même : marques de reconnaissance vestimentaire, langage et vocabulaire, activités... Ce conformisme adolescent peut naître d’un refus du conformisme adulte ; il peut au contraire l’imiter jusque dans ses excès.
L’adolescent acquiert de nouvelles capacités de responsabilité, reconnues même par le monde adulte (abaissement de l’âge de la majorité électorale à 18 ans, conduite accompagnée à 16 ans, possibilité de se marier à partir de 15 ans, possibilité d’encadrer les CVL à partir de 17 ans).
Il a aussi un sens développé de la solidarité, lié à un besoin de justice. Ce sens de la solidarité trouvera son terrain d’application dans le groupe.
La vie sociale des adolescents peut prendre mille formes. Eh effet, le cadre de l’école unique a volé en éclats. La scolarisation n’est obligatoire que jusqu’à 16 ans, et il existe de nombreuses situations différentes :
dans le système scolaire : lycées (avec toutes les sections possibles), lycées techniques, LEP-BEP, CFA...
hors du système scolaire : apprentissage, travail régulier, intérim, Contrats Social divers, chômage...
L’orientation scolaire et les perspectives d’avenir social déterminent de nombreux aspects du comportement des adolescents : attitude par rapport à la famille, à la société, estime de soi...
L’adolescence est, très souvent, définie négativement.
On en parle volontiers en termes de « crise » (quand ce n’est pas d’âge « ingrat »), la présentant comme une sorte de maladie transitoire plus ou moins accentuée, mais de toutes façons, inévitable et destinée à passer un jour. Il n’est question d’elle, la plupart du temps, qu’à travers les « problèmes » qu’elle pose-,
Or, s’il y a crise, effectivement, elle n’est sans doute pas inscrite dans la nature des choses ; les conflits vécus par l’adolescent tiennent, pour une large part, à la situation qui lui est faite (ou plutôt pas faite) dans la société contemporaine.
On observe chez lui des discordances et des antagonismes entre des pulsions diverses, certes. Mais cela ne tient-il pas au fait que, dans nos sociétés techniques évoluées, les conditions de vie ont hâté la maturation physique et intellectuelle, alors que le temps d’apprentissage et la scolarité retardent l’âge des responsabilités économiques et sexuelles.
On en parle volontiers en termes de manque et d’inachèvement. On définit habituellement l’adolescent par ce qu’il n’est plus (un enfant) et ce qu’il n’est pas encore (un adulte). Il serait une sorte d’être incertain, en puissance, par rapport à l’adulte qui serait, lui achevé. Le terme de « mineur » indique bien, dans ce sens, le désir de protection de l’adulte, en même temps qu’il sous-entend l’idée d’incapacité à diriger sa propre vie et à avoir des responsabilités vraies.
L’opposition entre l’immaturité et la maturité profite à l’adulte.
en justifiant la marginalisation de la jeunesse. Puisque l’adolescent est censé vivre une sorte d’état transitoire, il est tenu déconnecté du monde adulte, auquel il n’a accès ni économiquement, sinon comme consommateur, ni sexuellement. « En sursis de la vie », il était enfant-roi, le voici adolescent gênant.
On peut s’interroger, de ce point de vue, sur un certain type d’intérêt porté par les adultes aux adolescents : y a-t-il un meilleur moyen de les mettre à l’écart que d’en faire un groupe à part ? On leur a donné une originalité, une spécificité, en leur fabricant une mode, une presse, des loisirs, etc...
Le sort spécial qu’on leur réserve les flatte, mais, en même temps, les enferme dans un ghetto en leur donnant, a juste titre, l’impression de ne pas être intégrés dans la société réelle.
en justifiant la domination de la jeunesse. On peut d’abord canaliser ses révoltes en les minimisant ; elles ne sont que temporaires, puisqu’elle deviendra adulte (et raisonnable) un jour, à son tour. Maintenir l’adolescence dans la conscience de son inachèvement permet aussi de la maintenir dans son besoin d’aide face à un adulte idéalisé. C’est assez curieusement que la société, alors même qu’elle organise une sorte d’infantilisation des adolescents (par le biais des institutions familiales et scolaires, entre autres), les accuse d’immaturité... Protéger les jeunes devant la vie ? Oui, mais que d’ambiguïtés dans ce désir de protection, que d’immobilisme, aussi !
L’opposition adolescent/adulte garantit l’identité de l’adulte.
On peut même penser que, pour que l’adulte soit, il faut qu’il y ait un adolescent incertain. L’inachèvement de ce dernier le confirmerait dans la certitude de son propre achèvement (illusion, pourtant, depuis longtemps déracinée par la psychanalyse...). Pour entretenir le mythe de l’adulte, il est nécessaire que l’adolescent soit différent. Pour entretenir le pouvoir de l’adulte, il est nécessaire qu’il soit faible.
D’autant plus que l’adolescent inquiète. Autrefois, l’enfant était la répétition pure et simple de ses parents et ne leur posait, de ce fait, aucun problème d’identité. Aujourd’hui, il est devenu un facteur d’insécurité. En devenant plus compétent, sur bien des plans, que ceux qui lui ont donné naissance ; il connaît davantage, possède même plus de force. En incarnant d’autres valeurs, d’autre moeurs. In ne s’agit pas de dire que les parents n’aiment pas leurs enfants, mais que le monde adulte est angoissé devant l’adolescence.
Il faut à l’adolescent devenir soi-même.
Pour cela il faut être sûr de ce que l’on pense et de ce que l’on croit, être sûr que c’est bien à soi, que l’on n’a pas subi l’influence des autres. Pour parvenir à cette certitude il faut parfois rejeter en bloc tout ce à quoi on a été soumis précédemment et affirmé sa singularité. Cette période à un sens et elle est indispensable aux jeunes qui doivent « accoucher » d’eux-mêmes. Les adolescents ont besoin d’adultes qui parlent vrai, qui tiennent leur place sans démagogie et qui les aident à placer des balises et des repères.