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En 1991, le Centre de Loisirs de Jouy, Pargny, Coulommes a vu le jour. Ces trois petits villages sont nichés dans le vignoble champenois à quelques kilomètres de Reims, principalement habités par des viticulteurs et leurs employés.
Personne ne s’était jusqu’alors posé la question de l’accueil des enfants pendant les congés scolaires : les travaux des vignes sont, l’été, plus réduits et les solidarités familiales jouent. Seules quelques familles étaient dans l’obligation de s’adresser à des structures de Reims ou à des œuvres confessionnelles.
Il y a quatre ans donc, l’idée est venue d’organiser quelque chose pour les enfants pendant quelques semaines en été. Un courrier d’invitation à une réunion-débat fut donc envoyé aux élus ; un projet présenté.
Les principales questions portaient sur une réticence à « laisser » utiliser les locaux de l’école maternelle par des non-enseignants.
Serions-nous assurés en cas d’accident ?
Qui seraient les animateurs ?
Combien ça coûterait ?
De nombreuses garanties furent prises. Je m’engageai personnellement. Le projet pouvait se mettre en place et l’information être diffusée, par des plaquettes photocopiées, à la Mairie.
Un Centre de Loisirs – Pour les 4-8 ans – Pendant 4 semaines – Inscription à la semaine.
Pour cette première tentative une vingtaine d’enfants ont fréquenté le Centre, encadrés par une directrice et deux animateurs.
L’année suivante, nous avons proposé un service de restauration ouverts aux 8-12 ans, suite aux demandes des familles, en pensant que seulement une quinzaine d’enfants pouvaient être concernés.
Quarante à cinquante enfants ont fréquenté chaque semaine le Centre de Loisirs. Plus de 80% y ont pris leurs repas, moins par nécessité pour les familles que pour être avec les copains et parce que c’est nouveau de manger sans les parents. Il n’y a pas de restauration scolaire dans nos villages.
Pour la troisième année, je ne pouvais prendre la direction du Centre de Loisirs. Le projet allait-il s’arrêter avec mon départ ? Une nouvelle directrice (ou directeur) n’habitant pas les villages, était-ce possible ?
Je proposai Sylvie, enseignante en maternelle, en formation BAFD. Et puis, je conservai un rôle d’organisatrice, centralisai les inscriptions, passai presque quotidiennement au Centre et gardai la plus grande partie des relations avec l’extérieur. En bref, je me portai garante. L’été 93 pouvait donc voir se pérenniser le projet.
En 1994, une nouvelle étape dans le projet : l’organisation de mini-camps pour les 10-12 ans. Nous avions remarqué que peu d’enfants partaient l’été, même si les ressources des familles le permettaient. Les vacances ne sont pas encore complètement entrées dans les pratiques. Les vacances collectives d’enfants (les colos quoi) encore moins.
D’autre part, certains enfants fréquentent le CLSH depuis son origine et nous craignions une certaine lassitude.
Quatre mini-camps d’une semaine furent donc proposés (deux camps voile, un camp nature, un camp VTT). Trois purent être organisés. Le dernier (VTT) ne s’est pas suffisamment rempli et a été transformé en activité vélo à partir du Centre.
Chaque nouvelle proposition a vu le nombre d’enfants augmenter. De vingt-quatre enfants issus des trois villages en 1991, ce sont, en 1994, près de cent enfants de plus de quinze communes qui sont touchés.
Avec plus de soixante-dix enfants, une impression de climat familial, amical se dégage.
Les familles
Depuis l’ouverture du CLSH, l’accent a toujours été mis sur l’accueil des familles. Principaux éducateurs de leurs enfants, ils ont le droit :
C’est pour cela que nous insistons pour que les inscriptions ne s’effectuent qu’à l’issue de la réunion d’information marquant ainsi l’adhésion au projet. Cette année plus de 70% des familles étaient présentes.
L’accueil des familles c’est aussi la possibilité qu’elles ont d’entrer dans les locaux, dans la cours, de s’asseoir un moment pour discuter avec la directrice, les animateurs, d’autres parents. Beaucoup de parents se connaissaient : ils ont fait la communale ensemble comme on dit. Les grands-parents viennent aussi.
Des relations conviviales se sont nouées et sont des atouts pour le fonctionnement.
Il manque des plateaux pour poser sur les tréteaux de l’atelier bois et quelques planches : une affichette. Le réseau fonctionne. Moins de quarante-huit heures plus tard, nous voilà équipés au point que nous puissions offrir le surplus à un autre Centre de Loisirs.
Sur les plaquettes de présentation, le Centre de Loisirs ferme ses portes entre 17 heures 17 heures 30 mais il n’est pas rare qu’à 18 heures, quelques parents discutent encore alors que les enfants terminent une partie de raquettes ou jouent dans le bac à sable.
Cette convivialité est certes un élément facilitant mais crée aussi des difficultés, en particulier dans la gestion des effectifs et la gestion tout court. L’adaptabilité est le maître mot.
Mamie prend les enfants une journée, et même si les inscriptions s’effectuent à la semaine, il serait très impopulaire de facturer les cinq jours.
La petite dernière n’a pas tout à fait quatre ans mais aimerait tellement suivre son grand frère, au moins une semaine. Alors on négocie. D’accord mais la dernière semaine, où l’on a traditionnellement moins d’enfants.
En effet les relations familles/CLSH sont aussi en jeu dans les relations de voisinage, les relations avec les élus. Nous nous côtoyons à la fête patronale, à la sortie de l’école, chez le boulanger, dans les vignes.
Les municipalités
S’il est un trait dominant dans l’implication des municipalités au sein du Centre de Loisirs c’est certainement la volonté que l’activité nouvelle ne désorganise pas celles déjà existantes : les horaires de travail des Assistantes Maternelles, les activités d’autres associations (l’organisation de jeux intervillages par exemple), l’organisation spatiale de l’école maternelle...
Mais c’est aussi une capacité à être disponible pour rechercher les moyens de l’activité du Centre : prêt de matériel, mise à disposition de l’employé communal pour l’entretien des espaces extérieurs du Centre.
Les élus sont aussi des personnes mobilisables en soirée, ils viennent aux réunions d’information en direction des familles sans pour autant prendre la tribune mais pour marquer l’intérêt qu’ils portent au projet : leurs enfants, petits enfants, neveux, nièces, sont des usagers.
Le secrétaire de Mairie joue aussi un rôle important tant dans ses attributions professionnelles que par acte volontaire : proposer une convention de mise à disposition de locaux, mise en relation avec le comité des fêtes...
Depuis quatre ans, nous avons réussi peu à peu à lever les appréhensions qui pesaient sur cette arrivée massive d’enfants (jusqu’à quatre-vingt) dans une école qui l’année scolaire n’en accueille qu’une vingtaine.
L’aide financière allouée au Centre de Loisirs reste très modeste puisque chaque municipalité du syndicat scolaire verse une participation de cinq francs par journée/enfant du village, mais si on veut être parfaitement « honnête » il faudrait y ajouter le prêt de l’école, les frais annexes (électricité, eau...), la mise à disposition de l’employé communal quelques heures par semaine, l’utilisation de la salle communale pour cent francs par semaine...
Au-delà de l’action sociale et de loisirs développée par le Centre de Loisirs, ces quatre semaines annuelles du CLSH sont aussi source d’un micro-développement économique : dans un premier temps, parce que cela crée un emploi à mi-temps pendant un mois pour une personne du village (employée au ménage et au service de restauration), dix emplois d’animateurs, même si tous ne sont pas originaires des villages, et pour terminer parce que les repas sont préparés par le charcutier-traiteur du village.
En 1994, ce sont quelques mille cent repas préparés et l’assurance de l’activité pendant une période traditionnellement creuse.
Les loisirs des enfants dans notre milieu rural c’est traditionnellement la ruche. Structure légère, animée (de bonnes intentions) par des bénévoles et fonctionnant avec des moyens très précaires dans des salles des fêtes, sans restauration, avec très peu de matériel et des effectifs réduits, ce qui ne permet pas l’organisation en groupe d’âge.
Dès la naissance du projet, nous avons misé sur des structures garantissant le confort des enfants dans un accueil par groupe d’âge, des infrastructures adaptées et une équipe d’encadrement formée et rémunérée (sur la base de l’annexe 2 de la Convention Collective de l’Animation).
Il était donc clair que cela coûterait et qui si économie nous devions faire, ce n’était pas sur ces postes-là que nous le ferions.
Il n’était pas question non plus de créer des mini-centres de loisirs dans chaque village, au risque de devoir fonctionner à deux animateurs et quinze enfants sans possibilité de travailler en équipe, sans mutualisation des moyens (transports, matériel...) et avec une direction qui tournerait sur les différents sites.
Le transport, les arrivées et départs échelonnés
Le Centre de Loisirs ne possède aucun véhicule (ni car, ni « camionnette »). Ceci empêche donc tout « ramassage » collectif des enfants. Ils arrivent donc à pied ou en voitures particulières et de manière échelonnée. Les vacances sont aussi faites pour se reposer, on est assez bousculé pendant l’année scolaire.
L’accueil des enfants peut donc durer jusque dix heures parfois, ce qui demande à l’équipe d’encadrement de considérer ce temps d’accueil comme un réel temps d’activité.
Il est proposé des coins d’activités graphiques, jeux de société, de plein-air, livres, poupées, dînettes, Légos...
Les animateurs accueillent l’enfant et ceux qui l’accompagnent. De même pour le départ. L’enfant n’est pas seulement « récupéré ». On le salue de manière personnelle pour l’accueillir de nouveau le lendemain. Transport individuel implique donc accueil individualisé.
L’éloignement des pôles d’activités (piscine, commerces, musées...) implique des frais supplémentaires. On propose l’activité « piscine ». Il faut tenir compte du coût du transport par une société de cars (notre Centre est à quinze kilomètres). On double ainsi le coût de l’activité. D’autant que ne faisant pas partie du district de Reims, nous ne pouvons bénéficier des tarifs préférentiels réservés aux CLSH de la ville.
Pour les mini-camps, la part budgétaire consacrée aux transport est aussi importante.
Le Centre de Loisirs est installé depuis sa création dans l’école maternelle du village. La première année, seule une partie des salles était prêtée au centre. Désormais, le Centre a à sa disposition : trois grandes salles et la salle de repos, un grand hall, une très grande cours de récréation et ses aménagements, la cuisine, le bureau de la Direction et le préau de l’école primaire adjacent. Tout ceci équipé de mobilier.
Les avantages sont nombreux. Tout d’abord, les lieux répondent aux normes de sécurité. Ensuite, le nombre de salles nous permet d’attribuer à chaque groupe son territoire.
Les petits, 4-6 ans, bénéficient également d’une salle de repos. La grande cour, macadam et pelouse, nous permet divers jeux (jeux de cour et autres), la pelouse permet aux grands qui se préparent à partir en mini-camp d’apprendre à monter les tentes. Deux piscines semi-rigides pour les petits sont également installées en permanence. Le préau de l’école primaire accueille l’atelier bois. Le hall est un lieu de rencontre avec les parents et un lieu « d’exposition » des activités du centre. La cuisine, qui peut aussi être un lieu d’activité, est le lieu privilégié des animateurs.
L’inconvénient majeur de ce lieu est que tout le mobilier est à l’échelle « maternelle ». Il est trop bas pour les enfants âgés de plus de six ans et cela est parfois un handicap.
Un autre inconvénient, plus facile à gérer : certains enfants passent une partie de leurs vacances dans leur école. Un enfant appelait même cela « l’école de loisirs » : amalgame significatif non ?
Aux animateurs alors de tout changer, d’aménager, pour que ce soit un lieu de vacances et de tout remettre en place à la fin du Centre.
L’organisatrice et la Direction sont alors garantes de rendre l’école propre et rangée et de réparer les éventuels dégâts.
C’est en assumant parfaitement ces aspects que les élus municipaux ont vu peu à peu, et au-delà des tracasseries présumées et de la notion de garderie, le rôle social et éducatif du Centre de Loisirs.
Le centre de Loisirs est implanté en plein cœur du vignoble champenois. Au premier abord, il pourrait apparaître que les vignes n’offrent que peu d’espaces de jeux. Il est peu envisageable en effet de jouer à cache-cache au milieu des galipes1 !
Mais parmi ces vignes, on peut trouver quelques bois, espaces de jeux utilisables surtout par les grands (distance à parcourir à pieds oblige !). C’est donc l’occasion d’organiser une journée exceptionnelle : rando-pique-nique grand jeu dans les bois.
La « Montagne de Reims » toute proche nous offre aussi des lieux de camping et l’occasion de découvrir les environs.
La Champagne Ardenne nous permet d’organiser des mini-camps intéressants et variés : activité voile au Parc de l’Ailetter (02), camp nature à la base du CIN du Boult au Bois (08) et VTT dans la base de loisirs de Traconne (51).
Même si la région Champagne Ardenne n’est pas une région touristique au même titre que pourraient l’être l’Auvergne ou la Bretagne, il n’empêche qu’en cherchant bien, il existe bien des associations ou des organismes qui travaillent à proposer des activités intéressantes et de qualité.
Pour revenir au village même où est implanté le Centre de Loisirs, une opportunité nous est offerte : celle de pouvoir profiter du « Parc du Château » chargé d’histoire (magnifique château construit par les « notables » du village, investi pour être l’hôpital militaire puis dévasté par les flammes), ce parc privé reste un lieu cher au cœur des villageois. Les enfants aiment y jouer.
Les animateurs du Centre de Loisirs peuvent y emmener quotidiennement les enfants : il peuvent y faire des grands jeux (thèque, poules/renards/vipères, sardine), des jeux pour petits (cache-cache dans les ruines du château). Les grands y construisent des cabanes et les prêtent aux autres groupes pour y goûter ou pique-niquer. Au-delà du Centre de Loisirs, les enfants reviennent à leur cabane les week-ends et pendant l’année. Ils connaissent leur parc et toutes ses richesse de jeu, sans que cela ne devienne lassitude puisque l’on a dépassé avec eux le stade de se « balader dans le parc ». La familiarisation avec le lieu permet l’accès à des activités autonomes dans l’espace sujet à aventure mais sécurisant puisque commun.
Tous les actes administratifs en amont (déclarations, invitations aux réunions, promotion, inscriptions...), pendant (facturation, paies du personnel...) et après (bilans CAF et MSA, obligations Urssaf, Assedic...) sont effectués par des bénévoles.
Cette donnée permet de limiter les frais administratifs au strict achat de fournitures (timbres, enveloppes...).Ainsi l’intégralité des fonds sont consacrés à l’activité du CLSH. Il a donc été possible :
Cet épisode annuel dans la vie de ces trois villages a créé de la demande :
Nous sommes donc en réflexion :
Peut-être dans un projet de Contrat d’Aménagement du Temps de l’Enfance, dans le cadre des Contrats Enfance de la Mutualité Sociale Agricole.
Là aussi, nous devons engager un travail d’information et de persuasion auprès des élus, qui, il faut l’avouer, sont peu au fait des dispositifs susceptibles d’enrayer, même partiellement, l’exode rural des écoliers vers la ville qui offre de plus grandes possibilités d’accueils périscolaires.
Enfin, mais c’est encore un projet embryonnaire, nous envisageons pour l’été 1995, l’organisation d’un Centre de Vacances de deux semaines. Des vacances dans une autre région, une possibilité d’aventure, d’activités nouvelles seront proposées et permettront, nous l’espérons, de désengorger le CLSH qui affiche complet.
Mais chut, c’est encore un secret.
Isabelle Bernier, Sylvie Bernini, Dossier des Cahiers de l’animation n°1 : Les centres de loisirs.
©CEMÉA