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Ah, les mater !

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Ah, les mater ! On en parle à la prépa, on part en ayant en tête les grands stades du développement, les petites choses auxquelles il faut faire attention... Et tout à coup ils arrivent, tout petits, tout accrochés à leurs parents, tout anxieux de ce prochain départ... et la réalité rattrape la théorie !

Les intentions de notre séjour étaient claires, fermes, définitives. Aucun adulte ne ferait à la place de l’enfant, mais il aiderait l’enfant à faire. Volonté de conquête d’autonomie, de libération de l’enfant de sa soumission à l’adulte pour ses gestes quotidiens, opportunité pour lui d’entrevoir les joies de se prendre en charge, d’accomplir soi-même,
d’exister en dehors de l’autre.

Et puis, le doute qui s’installe. Surtout quand Terry vient vous demander de lui mettre les chaussettes. Les intentions seraient-elles décalées de la réalité des enfants d’âge maternel ? Et si ils avaient besoin que les adultes fassent de temps en temps à leur place, si ces quelques gestes les rassuraient ? Et si « tout faire seul » pouvait vous perturber, vous mettre en insécurité quand on a quatre ans ?

MONSIEUR POUCE ES-TU LÀ ?

Sam Joachim pleure ce soir. Surprise. On discute et les jours sont longs sans papa et maman. Même si on les décompte ensemble sur les doigts (« il reste plus que... »), ça ne chasse pas le chagrin et le manque. Alors, Monsieur Pouce intervient. « TOC ! TOC ! TOC ! Monsieur Pouce es-tu là ? Chutt ! Je dors.
TOC ! TOC ! TOC ! Monsieur Pouce es-tu là ? Je regarde par la fenêtre...
TOC ! TOC ! TOC ! Monsieur Pouce es-tu là ? Oui ! Je sors ! Mais le Monsieur Pouce de Sam Joachim ne sort pas, et çà, çà le fait rire aux éclats ! Son Monsieur Pouce sortira bien tard... juste la veille de retrouver ses parents !

AUCUNE JOURNÉE N’EST QUOTIDIENNE !

Ce matin, au centre, tout le monde s’affaire. Assis sur les marches de l’entrée, je prends le temps de regarder vivre la colo maternelle que je dirige.

Certains enfants arpentent avec quelques gamelles le circuit à vélo ; le choix est difficile, on aimerait bien le deux roues, mais on maîtrise mal, alors on regarde avec envie « ceux qui savent » mais l’envie de pédaler prend le dessus. Vive le tricycle !
Un petit groupe prépare au sable la soupe qu’il propose de goûter à qui veut. On manipule, on en enlève, on en rajoute, on négocie pour savoir si on doit y ajouter telle feuille ou telle herbe. Et on crie aussi si quelqu’un prend part au jeu sans y être invité... Juste à côté, deux autres creusent dans ce même bac un trou profond dans lequel leur bras peut se glisser jusqu’au bout. Toucheraient-ils l’autre bout du monde ?
Dans la salle à manger, certains n’ont pas fini de déjeuner ; ils ont compris qu’ici, on pouvait prendre le temps... Même prendre le temps d’observer les têtards pêchés la veille à l’étang. On discute, on cherche à comprendre : « Eh, regarde celui-là, ce qu’il fait ! » « Et
lui, il remonte !? » Là encore, on crie, on râle, on n’a parfois même pas le droit de regarder. Et puis, on court dehors, pour revenir tout penaud parce que Anaëlle nous a rattrapé et qu’il faut revenir ranger son bol et essuyer son côté... Vite ! Vite ! Il faut se dépêcher de revenir dehors ! Jean s’est transformé en méchant loup qui cherche à nous attraper pour son dîner du soir !
Hep ! Faites attention en courant de ne pas écraser la maison que tracent à la craie trois copains ! Et oui, c’est qu’il s’en passent des choses dans cette maison : on y cuisine, on y dort...
Sur la pelouse, proche de la tanière du loup, à deux pas du jeu, on s’essaie aux cordes à sauter, les plus grands apprennent aux plus petits... sous les yeux de ceux qui « squattent » le module à grimper, à glisser, à discuter...

Je passerai volontiers sur les premiers qui rangent leur chambre avec William, qui se brossent les dents et se rebrossent les dents, et se rerebrossent encore et encore les dents pour le plaisir de voir leur reflet dans le miroir et de cracher dans le lavabo qui se remplit d’eau.

Souvenirs mêlés. S’agissait-il bien d’une même journée ? D’un même début de journée où enfants et adultes se mettent en route, d’un même début de journée qui ne va pas de soi, qui a mis du temps à se lancer, à exister ; somme toute, d’un début de journée pas très « quotidien ».

Fabrice Taffanel, Cahiers de l’Animation n°56, octobre 2006.

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