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Accueillir de jeunes enfants, c’est avant tout assurer leur sécurité affective pour qu’ils profitent au mieux de leur séjour.
La séparation d’avec la famille peut être chez le jeune enfant une source d’angoisse et avoir de graves conséquences sur son développement si elle est mal vécue. L’enfant ne doit pas se sentir abandonné par ses parents et garder des liens avec eux tout au long du séjour.
Il va découvrir un environnement inconnu, de nouveaux lieux avec de nouvelles règles de vie : le centre de vacances avec d’autres enfants, de nouveaux adultes. Pour qu’il puisse se construire des repères dans le temps, dans l’espace et dans les relations interpersonnelles et pour que sa sécurité affective soit assurée, l’équipe a créé un cadre de vie à partir de ce double besoin de sécurité et d’autonomie. Le séjour en centre de vacances est ainsi une occasion pour l’enfant de conquérir une plus grande autonomie et il peut se risquer à prendre des initiatives.
Repères dans les relations
Un groupe de vingt ou trente enfants est beaucoup trop important pour permettre à de jeunes enfants de s’y retrouver. Celui-ci a besoin de vivre dans un groupe restreint pour établir des relations et se sentir reconnu dans sa singularité. Dans notre centre, nous avons décidé de répartir les enfants en deux grands groupes. Sur le premier séjour, le groupe des “petits” comptait quinze enfants âgés de 4 ans et trois animateurs ; le groupe des “grands” comptait quinze enfants de 5 à 7 ans et deux animateurs. Cela permet également de mieux respecter le rythme de vie spécifique des plus jeunes.
Chaque grand groupe était divisé en deux ou trois petits groupes, avec un animateur de référence. Cet animateur, le même pendant tout le séjour, sert de point de repère aux enfants. Ainsi l’animateur peut avoir des relations privilégiées et individualisées avec chaque enfant. Il vit avec son petit groupe les différents moments de la vie quotidienne. Ayant peu d’enfants dont s’occuper, il est plus disponible auprès de chacun et peut prendre le temps de les accompagner. Cet accompagnement individualisé permet à chaque enfant d’acquérir plus d’autonomie. l’animateur ne “fait pas” à la place de l’enfant mais l’aide à réussir seul, tout en restant vigilant. Par exemple, au moment de la douche, l’enfant se lave seul mais on veille à ce qu’il se rince bien et on l’aide éventuellement à s’essuyer convenablement. Le coucher, moment délicat où renaît l’angoisse ou la séparation a pu se passer sans grande difficulté. L’enfant peut compter sur son animateur disponible pour parler avec lui de la journée passée, des projets pour le lendemain. Il peut ainsi rassurer l’enfant et prend le temps pour l’accompagner jusqu’à son endormissement.
Chaque petit groupe était doté d’un signe distinctif : un soleil, un lapin, un clown... Ce signe était repris à plusieurs endroits : la porte de la chambre, l’endroit où étaient rangées les chaussures, les valises au moment du départ...
Quelques jours avant le début du séjour, l’animateur de référence a écrit une carte à chaque enfant de son groupe. Cette carte personnalisée (le prénom de l’enfant y était inscrit) lui souhaitant la bienvenue comportait la photo de l’animateur et le signe distinctif de son petit groupe. Elle a facilité la séparation avec les parents au moment du départ, L’enfant sachant avec qui il allait passer les dix jours du séjour. L’animateur n’est plus un inconnu. L’enfant peut aller vers lui, l’appeler par son prénom. Plusieurs enfants l’avaient apportée avec eux et la ressortaient le jour où l’animateur était en congé (nous avons même vu un enfant la ressortir l’année d’après en espérant retrouver son animateur).
L’enfant a passé la première journée au sein de son petit groupe. Puis, progressivement, il a élargi ses relations au sein du grand groupe, au moment du repas et pendant les activités. Cela pour lui offrir davantage de possibilités tout en conservant les repères nécessaires, car son animateur de référence restant le même, il savait qu’il pouvait ce retrouver à tout moment, notamment pour la vie quotidienne. Bien sûr, les groupes ne sont pas “étanches”. L’enfant a la possibilité d’aller voir un autre enfant : son frère, sa sœur, un copain... Dès le début, nous avons pris soin de montrer à l’enfant où dormait son petit frère ou sa grande sœur. Nous avons également accepté que deux sœurs n’appartenant pas au même groupe, dorment la première nuit dans la même chambre.
Dès le premier jour, les autres adultes travaillant sur le centre (la cuisinière, le directeur, l’assistante sanitaire) ont été présentés aux enfants. L’équipe de direction a organisé son travail pour être au maximum présente auprès des enfants et des animateurs. Cela est très important, d’autant plus qu’il lui revient de remplacer l’animateur de référence pendant son jour de congé.
Avec les parents
Nous avons enfin souhaité associer au maximum les parents. Certes, ils ne sont pas physiquement présents (bien qu’ils aient la possibilité de venir voir leur enfant). Mais travailler avec eux a facilité l’intégration de leur enfant dans le centre. Avant le séjour, nous leur avons envoyé un document leur présentant nos objectifs et leur décrivant le plus précisément possible la vie de leur enfant sur le centre. Ce document a deux intérêts : informer les parents, les rassurer mais surtout les inviter à parler avec leur enfant du séjour qu’il va vivre. Nous y avons d’ailleurs incorporé des photos du centre et des environs. En écoutant les enfants les premiers jours, je sais que beaucoup l’ont regardé avant de venir. Ce document a eu d’autant plus d’importance que plusieurs parents n’ont pas pu venir aux réunions d’informations.
Ce travail avec les parents avant le séjour est très important. L’enfant peut ainsi se rendre compte qu’il n’est pas abandonné à des inconnus mais confié à un animateur avec qui ils ont des relations et en qui ils ont confiance. C’est pourquoi nous avions décidé aussi malgré un voyage en car avec plusieurs points de ramassage, de prendre ce temps au moment du départ pour parler avec chaque parent en présence de l’enfant. Pendant le séjour, celui-ci reste en contact avec ses parents par le courrier et par le téléphone. Cela a entraîné quelques larmes, mais quel bonheur pour un jeune enfant d’entendre ses parents lui dire qu’ils l’aiment et qu’ils pensent à lui. Nous avons été vigilants aussi pour que chacun reçoive du courrier de ses parents, n’hésitant pas à appeler pour réparer un oubli : car la carte qu’il reçoit “concrétise” le lien maintenu avec les parents. L’enfant peut la cacher secrètement ou l’afficher près de son lit. Il peut demander qu’on la lui relise plusieurs fois, notamment dans les moments d’angoisse.
Repères dans l’espace
L’organisation de l’espace est importante dans le centre de vacances. S’il est organisé pour que l’enfant se l’approprie, il va favoriser la naissance d’activités, l’envie de découvrir, de manipuler, de construire, de jouer... Encore faut-il que l’enfant s’y sente en sécurité. L’équipe a donc travaillé à partir de la notion de territoire, propre à chaque groupe d’âge. La proximité du centre a permis à l’ensemble de l’équipe de se rendre sur place un week-end avant l’arrivée des enfants. Tous les animateurs ont pu découvrir la structure et l’environnement.
Cette appropriation de l’espace a permis à l’équipe d’accueillir les enfants dans les meilleures conditions. On est en effet plus à l’aise lorsque l’on connaît bien les locaux et l’environnement.
Ce week-end a également permis d’aménager les différents espaces, les lieux de vie et d’activité : chambre, salle à manger, salle de jeux, salle d’activité manuelle, parc... Certains étaient plus particulièrement destinés à un grand groupe : salle de jeux, coins extérieurs, partie de la salle à manger. Ce choix permet de tenir compte au mieux des besoins et des capacités des enfants d’âges différents, mais aussi d’éviter une trop grande concentration d’enfants dans un même endroit. Cependant un “grand” a la possibilité d’aller dans la salle de jeux des petits, ou un “petit” d’aller explorer l’espace des grands.
La salle de jeux est le lieu privilégié du grand groupe. Différents coins étaient installés : coins poupées, dînette, circuit voitures, coins livres... Un coin repos fait de matelas et d’oreillers recouverts de tissus permet à un enfant de se retirer du groupe et de se reposer un instant avant de retourner jouer seul ou avec ses copains. Au cours du premier séjour, nous avons remarqué que la salle de jeux des grands était mal située et peu investie par les enfants de ce groupe. Nous avons attendu pour la déplacer et la réaménager la fin du premier séjour. Ce n’était pas seulement dû à un manque de temps. Nous ne voulions pas perturber les enfants. S’il est en effet possible d’apporter des modifications aux aménagements, voire en ajouter de nouveaux, pendant un séjour, il est important que l’aménagement global reste stable pour permettre aux enfants de garder les repères qu’ils se sont construits.
Chaque petit groupe était réparti en une ou deux chambres. L’animateur de référence dort dans une chambre à proximité. Les signes distinctifs de chaque petit groupe sont reportés sur les portes de ces différents lieux.
En aménageant les espaces, nous avons également réfléchi aux parcours des enfants afin d’éviter que tous se retrouvent en même temps dans le même couloir étroit. Les premiers jours, l’animateur de référence accompagnait les enfants dans la découverte de l’espace, leur rappelant souvent où se trouvaient les différents lieux, quels chemins prendre pour aller de la chambre à la salle de jeux ou à la salle à manger... Au fur et à mesure que les enfants s’appropriaient les espaces, ils pouvaient circuler librement. Cette conquête progressive d’une plus grande autonomie s’est faite à un rythme différent selon les enfants, mais nous avons pu constater que dès le deuxième jour, certains allaient, venaient et jouaient sans la présence d’animateur.
Repères dans le temps
Pour un jeune enfant, se repérer dans le temps est difficile. À 4 ans, il n’arrive pas à avoir une vision globale de la journée. Quant à l’ensemble du séjour, ce n’est pas la peine d’y compter... Pourtant, il nous semble essentiel de lui permettre de se construire petit à petit ses repères.
L’organisation de chaque moment de la vie quotidienne doit être identique chaque jour. C’est en effet ces moments qui structurent la vie de l’enfant. Très vite, il sait qu’avant de passer à table, on passe par les lavabos pour se laver les mains, que les douches en fin d’après-midi annoncent le dîner...
Nous avons passé beaucoup de temps à préparer le plus précisément possible ces moments, afin que chaque animateur situe bien son rôle dans leur organisation, à ce moment précis. Malgré cette préparation commune, chaque animateur a très rapidement fonctionné à sa manière, tout en gardant en tête les objectifs communs. Cela est normal, car il s’adaptait aux enfants de son groupe, aux locaux... Afin d’éviter que les enfants soient perdus par un autre fonctionnement, l’animateur de référence expliquait à la personne qui le remplaçait pendant son jour de congé comment il procédait.
Les enfants veulent toujours savoir quand ils vont rentrer chez eux. Leur dire qu’il reste sept ou trois jours ne les aide pas vraiment car ça ne leur dit rien. Nous avons profité de ce que les séjours durent dix jours pour nous servir des doigts de la main (notre main mais surtout celle de l’enfant) pour leur montrer le temps écoulé depuis notre arrivée et le temps restant avant le retour dans leur maison. Très rapidement, les enfants comptaient eux-mêmes chaque jour le nombre de doigts, et donc le nombre de jours restant.
Le travail de l’équipe, pendant le séjour, et surtout dès la préparation, a permis d’accueillir les enfants dans les meilleures conditions. L’adaptation a été différente selon les enfants, très rapide pour certains, plus lente et difficile pour d’autres. Mais grâce au travail d’équipe, qui permet la “distanciation”, la prise de recul et la coopération entre des adultes, chacun a trouvé une place dans le centre.